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Le Crestois est aussi dans le collimateur des gendarmes

Le vendredi 22 mars, la rédaction du Crestois a eu la surprise de recevoir un courrier des services de l’État.

Picto EXPRESSIONIl ne s'agissait pas, hélas, d'un formulaire d'abonnement à notre journal... mais d'un avis de contravention de 135 euros pour "arrêt dangereux de véhicule", accompagnée d'un retrait de trois points sur le permis de conduire.

En quoi cela mérite-t-il un article ? C'est que l'infraction a été commise dans un contexte particulier, à l'occasion d'un reportage réalisé le samedi 9 mars. Ce jour là, Didier Guillaume, le ministre drômois de l'agriculture, se démenait pour éviter le rond-point du Collet, à Saillans, où l'attendait une modeste manifestation de gilets jaunes. Pour assister le ministre dans sa courageuse dérobade, un important dispositif de gendarmerie avait été mobilisé par la préfecture de la Drôme.

Une opération sur laquelle je suis tombé par hasard, aux alentours de 17h, alors que je me rendais à Saillans pour un tout autre motif. Surpris par l'attroupement et par le nombre impressionnant de véhicules de gendarmerie et d’uniformes, je m'arrête un instant pour recueillir des informations, dans le but de vous les transmettre (cf. notre édition du 15 mars).

En premier lieu, je me dirige vers les responsables du Peloton de Surveillance et d'Intervention de la Gendarmerie (PSIG) et de la brigade de Crest. Comme à l'accoutumée, nous nous saluons courtoisement, et je me permets de leur demander des détails sur l'opération en cours. Les militaires m'expliquent qu'ils ne souhaitent pas communiquer à ce sujet, ce qui est leur droit le plus strict. Je fais ensuite un bref tour du rond-point, pour recueillir des informations et des témoignages auprès des manifestants. En tout et pour tout, je suis resté stationné quinze minutes aux abords du rondpoint, clé sur le contact, feux de détresse allumés.

En reprenant le volant, j'étais loin d'imaginer qu'un militaire avait pris soin de photographier, en toute discrétion, la plaque d'immatriculation du véhicule du Crestois, et m'avait verbalisé pour le motif douteux d’arrêt "dangereux". Pourquoi ne pas m'avoir averti verbalement du "danger" lorsque nous nous sommes salués, avec les responsables de la Compagnie de Crest ? Un simple mot aurait suffi à me faire déplacer le véhicule, et, ainsi, à écarter le danger, si tant est qu'il ait un instant existé... Malheureusement pour moi, un gendarme a préféré, une fois n'est pas coutume, faire le choix de la mesquinerie : 135 euros d'amende pour Le Crestois ; trois points en moins pour le journaliste !

Mais pourquoi a-t-il agi de la sorte ? Il ne s'agissait évidemment pas de sanctionner un "arrêt dangereux" car, si la situation avait été réellement périlleuse, l'un des quarante gendarmes présents ce jour-là aurait pris soin d'agir bravement, pour écarter le danger... Était-ce donc simplement une triste façon de se payer un journaliste ? S'agissait-il de sanctionner Le Crestois pour sa couverture des manifestations jaunes de ces quatre derniers mois ? Ou bien de faire pression sur le journal, pour l'empêcher d'accomplir dans de bonnes conditions son rôle d'information, que les lecteurs sont en droit d'attendre de lui ?

À la brigade de Crest, on se montre surpris, et même un peu embarrassé par cette contravention, dont on préfère rejeter la responsabilité sur un autre service... À côté des éborgnés, des mains arrachées, des multiples blessures, ou même du décès d'une femme, survenus depuis le début du mouvement des gilets jaunes, cette histoire d'amende est évidemment anecdotique. Mais dans le contexte actuel, elle n'en est pas moins une alerte supplémentaire sur l'état de délabrement des relations entre les gendarmes d'un côté, les manifestants de l'autre, et les journalistes, au milieu. Trois catégories de citoyens que le bon sens devrait pourtant encourager à coexister dans la concorde.

Martin Chouraqui
journaliste au Crestois

Un tribune publiée dans Le Crestois du 29 mars 2019

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