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La bourse ou la vie ?

"Transitions", la tribune de Vincent Meyer du 20 avril 2020.

Janvier 2021. La sortie du confinement a été une catastrophe. L’absence de tests fiables et en nombre suffisant a ruiné les espoirs insensés d’une reprise rapide de la vie d’avant. Les enfants ont saturé de corona virus les crèches et les établissements scolaires et l’ont ramené à la maison. Une deuxième vague a submergé les services de réanimation et de soins intensifs. Les acteurs économiques se sont impatientés et la reprise du travail, mal gérée pour les mêmes raisons, a amplifié la propagation. Les remèdes simples et bon marché identifiés n’ont pas été mis à disposition des médecins généralistes sous prétexte de défaut de procédure. Le lobby pharmaceutique n’a pas voulu renoncer au jackpot mais nous attendons toujours le médicament certifié. Un vaccin miracle, mais couteux, vient d’être annoncé. La sécurité sociale va être définitivement coulée. L’économie s’est effondrée. Nombre de personnes ne supportent plus la situation et craquent : suicides, violences domestiques, abandon des gestes barrière, agressions, destructions de mobilier urbain, magasins dévalisés. Les ordonnances n’ont pas suffi malgré le ravage du droit du travail et le renforcement des contrôles. Le Président vient d’annoncer qu’il recourait à l’article 16 de la constitution et se dotait des pleins pouvoirs.

A sa conférence de presse du lundi soir, le Président a présenté les mesures d’application immédiate : contrôle des déplacements des personnes par puce RFID comportant les données personnelles et les informations sanitaires (immunité acquise ou non), géolocalisation systématique, reconnaissance faciale, surveillance par drones, rassemblement des malades dans des locaux adaptés réquisitionnés, regroupement, en camps aménagés, des personnes précaires ne pouvant plus assurer leur autonomie alimentaire et des réfractaires au contrôle, vaccination obligatoire, notation sociale sur la base de critères de conformité à la réglementation. Le président a également annoncé ses décisions pour redresser le pays : généralisation -rapide et sans réserve- de Linky et de la 5G pour faciliter les contrôles, affectation obligatoire des chômeurs après une première offre d’emploi refusée, privatisation des hôpitaux, prélèvement de 10 % sur les retraites, renflouement des banques, généralisation des PPP (partenariats public privé) pour tous les grands chantiers, suppression des contraintes écologiques qui entravent la construction, la production industrielle et l’utilisation des pesticides, prolongation de 10 ans des centrales nucléaires à échéance.

Je me réveille en sursaut, couvert de sueur. Un cauchemar ! Nous sommes en avril 2020. Ouf ! Tout est encore possible. Encore dans l’émotion, je me dis que c’est à nous de construire un autre scénario. Pourquoi pas un reset général et recommencer à zéro ? Au moins en termes de priorités ! C’est sur nos priorités qu’il faut rebâtir. Le moment est sensible, mais c’est quand tout est par terre que le choix est le plus large. Je veux donner tort à La Boétie quand il écrit : « lorsque le monde dans lequel il vit lui fait assez peur, l’homme entre de son plein gré dans la servitude de celui qui prétend pouvoir le protéger ». Le côté obscur de la force est en pleine lumière, alors profitons de cet éclairage.

Je vais participer à la consultation organisée par une soixantaine de parlementaires via le site "le jour d’après" et, localement, à la consultation de Biovallée. Je vais profiter des propositions déjà exprimées et y ajouter les miennes et mes commentaires. Je ne veux pas que le jour d’après soit comme le jour d’avant en pire, alors je vais le manifester par tous moyens. Vous aussi ? Initiatives virales et buzz, pétitions, expression large de nos avis autour de nous et sur le web. Tout est bon. Une convergence va alors se faire, visible sur le net, audible dans les interviews, patente dans les sondages. Au point que les autorités devront en tenir compte, ou passer la main, pour éviter un désaveu total, le blocage complet, voire la violence. Le jour d’après ne se prépare pas le jour d’après. C’est maintenant.

Cela nous évitera de nous lamenter, après demain, sur les effets meurtriers d'un climat devenu incontrôlable, de ressources naturelles épuisées, d'une surpopulation ingérable, d'un écosystème à l'agonie et d’épidémies dévastatrices à répétition. La pause en cours me montre, en creux, ce que pourraient être les priorités : relocaliser l’économie, assurer l’autonomie alimentaire de nos territoires, redonner sens et contenu à la notion de service public, favoriser les liens sociaux et la solidarité de proximité, réduire les inégalités, anticiper les crises potentielles ou probables à venir sur la santé, le climat, le nucléaire,... Je crois qu’il faut toucher le cœur du système : réduction des productions non essentielles (gadgets high-tech, emballages plastiques, produits de luxe), reconversion aux énergies renouvelables de toutes les industries, généralisation du fret de marchandises sur voies ferrées et fluviales, arrêt des subventions à l’agriculture conventionnelle au profit de l'agriculture biologique, limitation des élevages industriels, suppression des grands projets inutiles, développement de la réparation et du recyclage.…

Avant même la sortie du confinement, le Medef veut déjà faire travailler plus pour gagner moins et rattraper le « retard ». La majorité parlementaire accorde 20 milliards aux grandes entreprises sans contrepartie. La relance en préparation vise à compenser au plus vite la chute du PIB. Le mythe de la croissance est comme l’hydre de Lerne : chaque fois qu’il est mis à mal, il revient plus fort. La loi du profit veut s’imposer au-dessus des lois constitutionnelles, du droit du travail et des libertés individuelles. Pour moi, rétablir l’ancien régime serait comme un coup d’état sur notre aspiration légitime à disposer nous-mêmes de notre choix de société. « A force de sacrifier l’essentiel pour l’urgence, on finit par oublier l’urgence de l’essentiel » dit Edgar Morin. Allons-nous payer pour les actionnaires de Renault, de Vallourec, d’Air France ? Il faut savoir ce que nous voulons : la bourse ou la vie ? Je choisis la vie.

Vincent Meyer

Publié le 20 avril 2020

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