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La liberté confinée

La chronique de René Bergier du 22 avril 2020.

Nous sommes des millions dans le monde à être confinés pour la première fois de notre existence. Mais il y a un grand nombre d'individus qui ne se confineront jamais; tandis que d'autres sont privés de liberté depuis leur naissance. Nous concernant, la situation est certes plus facile à la campagne qu'en ville et il est parfois tentant de condamner un peu rapidement certains comportements. Alors vu au travers du prisme de l'humour, comment ceux de nos tribus vivent-ils ces moments plus ou moins difficiles, selon leur âge, leur situation sociale ou leur lieu de confinement ?

Après plus de cinq semaines, le "reste chez toi" a bien changé nos habitudes de vie. Si l'on retrouve du PQ dans les rayons des magasins, la farine se fait plus discrète; faute à certains qui se sont découvert des talents de pâtissiers. J'en connais même qui se sont lancés dans l'art culinaire (des noms! des noms!)…comme celui très goûtu des blettes ; un légume bien connu pour ses saveurs gustatives exceptionnelles [Sic].

Si la situation devait perdurer, certains d'entre nous vont terminer comme les confinés de Ko-Lanta : difficilement reconnaissables par leurs proches; sauf qu'eux c'est par l'amaigrissement… alors que nous, ce sera plutôt par le poids de la brioche. Toutefois, ne nous inquiétons pas ; il faut juste qu'on s'adapte à notre nouvelle physionomie et qu'on ne se vouvoie pas en se croisant dans le couloir de la maison.

Nos compagnes ne nous cachent plus la véritable couleur de leur chevelure, mais n'en restent pas moins élégantes. Côté occupation, elles ne sont pas en reste. Celle qui vit à deux avec moi, partage ses journées entre les montages et démontages de puzzles et les parties de Scrabble en ligne ; sans oublier sa passion pour les fourneaux…et c'est bien là le drame. Quant à moi, comme beaucoup de campagnards, je télétravaille au jardin : un peu de télé, un peu de jardin. Ce dernier est nickel ; plus un brin d'herbe et j'ai fait un sort aux chenilles des buis qui s'étaient déconfinées avant nous. Côté télé, j'ai abandonné les chaines d'infos en continu et leurs débats démoralisant sans fin, pour des documentaires sur la vie des zoos, le rire de Djamel, le monde de Jamy ou encore un bon vieux film de Pagnol ou des aventures de Tintin… ça déstresse.

Ayant relégué mon rasoir dans le coin des antiquités au début du confinement ; aujourd'hui, même mes chiens ne veulent plus m'embrasser… ça tombe bien, c'est un geste barrière ; j'espère juste qu'un jour ils ne me mordront pas.

Il y en a un aussi qui supporte mal cette assignation à résidence : c'est mon vélo. Il se morfond dans le garage; il ne rayonne plus. L'autre jour il s'est carrément braqué et a même déraillé quand je lui ai proposé pour se dégourdir les roues, de faire quelques tours de cour… alors que lui rêvait de Tour de France.

Dans la vallée, une sorte de demi-silence s'est installé et contrairement à Richard Anthony, on n'entend plus siffler le train. Depuis le début du confinement, aucune locomotive n'a circulé en Val de Drôme et les rails commencent à rouiller.

En d'autres lieux, le coq Maurice qui un temps s'était réjoui de pouvoir à nouveau s'égosiller sans crainte, s'inquiète à nouveau en voyant débarquer clandestinement des résidents secondaires sur son île.

A l'international, c'est la guerre des communiqués. On nous dit (mais en cette période ultra médiatisée, on nous en dit tellement) que l'empire du milieu nous aurait caché des choses… alors qu'en France !....

Malgré tout, la terre continue de tourner; le soleil se lève toujours à l'Est et se couche immanquablement - vous l'aurez deviné - à la tombée du jour. La nature elle, fait comme si de rien n'était. Les oiseaux gazouillent à pleins poumons tandis que les cerises gonflent et vont mûrir en avance. Merles, pies et autres moineaux vont en faire leurs copieux repas ; vu que ma vieille chemise qui servait d'épouvantail a été utilisée pour confectionner des masques. Des masques, parlons-en; quelle cagade ! (si, c'est français). Il est aujourd'hui plus facile de ramener des échantillons lunaires que des masques de Chine…Mais c'est promis juré, on en aura pour… le carnaval 2021.

Et durant tout ce temps sur l'attestation dérogatoire, il n'est toujours pas envisagé une case pour "se rendre à l'abreuvoir en cas de déshydratation"… à moins que ce soit celle prévue pour participer à des missions d'intérêt général.

Pour terminer sur une note plus sérieuse et surtout plus optimiste - car nos contraintes d'aujourd'hui sont nos libertés de demain - je citerai un passage du magnifique poème de Paul Eluard que ce dernier aurait pu écrire pour ces jours à venir :

"Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom… LIBERTÉ"

René Bergier

Publié le 5 avril 2020

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