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Au chômage partiel, Françoise aide les agriculteurs

Dans une période où le travail habituel est perturbé, voire à l’arrêt, les chômeurs partiels ont la possibilité d’aider les agriculteurs qui peinent à avoir de la main d’œuvre. C’est ce qu’a choisi de faire Françoise.

Le rythme de cette toute nouvelle agricultrice a changé. D’habitude, elle est installée devant un ordinateur... Elle se retrouve dans un pantalon à tissu épais, chaussures de marche et gants pour tenir une binette et aider à la plantation de lavande. L’exploitation agricole qu’elle a choisie est en bio depuis presque trente ans. Alors le travail de la terre, à la main, ce n’est pas nouveau et les conseils des professionnels sont avertis. L’exploitant lui explique que les plants sont lâchés par la « planteuse » et enterrés par un système de petits socs qui rabattent la terre dessus. La personne sur le tracteur conduit cette machine artisanale sur laquelle est assis le planteur. Ce dernier doit mettre, à un rythme donné par l’allure du tracteur, le plant, la tête en bas, entre deux disques en caoutchouc, qui se referment sur lui et le lâchent après que la petite charrue a fait le trou, et avant que les deux socs arrière rabattent la terre. Mais ça ne marche pas à tous les coups, alors il faut vérifier !

« Bon, et bien, ceci n’a pas l’air compliqué, je pense y arriver » assure, confiante, la nouvelle recrue. Elle essaie cette technique. Les petits plants de lavande sont dans des petites mottes qu’il faut enlever de leur moule, on dirait presque des gâteaux à démouler… L’odeur est agréable, loin d’être entêtante tant le plant est petit, pas plus de 5 cm de hauteur et quelques brins qui bientôt donneront de belles fleurs. Il s’agit de lavande Maillette, de son vraie nom « Lavandula Angustifolia », une des plus répandues pour ses vertus en aromathérapie. Elle est aussi calmante, cicatrisante, antidouleur et antiseptique. Mais pour le moment, le temps n’est pas à profiter des bienfaits du plant. Françoise revient vite à la réalité. Ça va trop vite, elle se mélange les mains, les bras et la tête, il faut s’arrêter pour qu’elle se reprenne. Ah oui ! Il faut suivre car il y a une distance à respecter entre deux plants ! Bon, c’est reparti, elle prend le rythme assez vite finalement ; c’est une question de concentration. Là-dessus, c’est le dos qui tire un peu mais ça va.

La deuxième étape sera plus dure. I faut suivre le tracteur pour vérifier le bon déroulement de la planteuse. Voilà donc Françoise, prête au départ du tracteur, à remplir sa mission, avec son stock de « remplaçants », des plants à remettre. La jeune femme est heureuse de profiter de l’extérieur en cette période de confinement et surtout très fière de participer à une action locale et respectueuse de l’environnement. Car, derrière son bureau, le paysage est moins élargi, moins lumineux, même si son travail la passionne ! Ce matin, il est 8h30 quand tout démarre. La nouvelle agricultrice se surprend à rêver et imagine ces plus de trois hectares fleuris avant l’été, enfin pas cette année… il lui faut deux ou trois ans à cette plantation, pour être à son paroxysme. Mais elle rêve et profite de cette parenthèse car le temps avance et il faut y aller !

Et là, courage, retour à la réalité. Allez… lever, baisser, plier les genoux et épargner le dos, activer la binette pour remettre ce plant récalcitrant dans le bon sens, le remplacer si celui censé être là est absent… La terre est sèche, en mottes si serrées que parfois, elle pense voir une pierre. La terre est rebelle, ne veut pas se mettre autour de cette fragile racine qui a besoin de nourriture. A ce moment-là, Françoise ne regrette pas d’avoir des gants qui la protègent des mottes rugueuses. Il faut dire que ses mains ne sont pas habituées à un tel traitement. De temps en temps, elle lève le nez vers le bout du champ, le tracteur est au bout de la raie… mais elle en est loin ! Puis, voilà quelques mètres faciles, les plants sont dressés vers le ciel, narguant ce soleil qui se lève au pied de ce petit vallon bordé par la forêt.

Ouf, voilà le bout de la raie, et… la pause jus de fruit et croissants. Rien n’a été aussi bon depuis longtemps… enfin depuis deux heures ! Un petit point de la situation.

Il fait chaud, il faut arroser et l’exploitant fait des allers-retours incessants entre sa source d’eau et les plants qu'il arrose pour les sauver et leur donner toutes les chances de s’enraciner pour pousser. Les machines et les hommes sont au service de la Nature pour qu’elle leur rende cette sueur, cette fatigue et aussi tout cet amour qu’ils partagent pour la faire vivre. Partie dans ses pensées, l’employée agricole est investie dans son travail quand elle entend un aboiement rauque, en provenance de la forêt. Ce sont des chevreuils qui se parlent mais ils ne sont pas contents. Peut-être ont-ils l’habitude de passer à travers cette parcelle, en bordure de la maison qu’habitent encore un couple. Ce n’est qu’une question jours pour qu'ils reprendrennent leurs habitudes. C’est une pause Nature agréable.

La matinée se termine, puis la journée et une autre. Bon, le premier soir, le repas est réconfortant et la nuit réparatrice… même si le matin laisse percevoir des muscles inconnus jusque-là ! Derrière les cuisses, les muscles sont raides, les genoux se manifestent bizarrement ! « Et l’être humain est bien fait. Au lever, je me demande si mes jambes vont me porter, et là, magie, tout fonctionne, c’est épatant » souritla jeune recrue ! Retour dans les champs et c’est reparti, et au fil du temps, la situation s’améliore. En fait, il faut le temps que le corps comprenne ce qui lui arrive ! Cette expérience est grandissante, et bienfaisante en cette période de confinement. « Finalement, je suis chanceuse, je suis dehors et je travaille utilement.

Maintenant, je ne regarderai plus jamais un brin de lavande bio de la même manière. Je sais qu’il y a des hommes, du temps et de la peine derrière chacun d’eux. Et moi, j’ai changé d’air, oublié le confinement pendant un temps, tout en gardant en tête les consignes de sécurité pour aider à lutter contre ce virus »conclue cette chanceuse.

Avec le temps qui passe et depuis trois semaines de confinement, les offres d’aides agricoles viennent en masse vers les organismes d’embauches. Cet exploitant est adhérent d’une association de gestion du personnel agricole qui a trouvé en deux jours une équipe de cinq personnes, capables de travailler dans les champs de plantes aromatiques qu’il faut biner et entretenir à la main.

Alors, si le cœur vous en dit...

Corinne Lodier

Publié le 12 avril 2020

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