La valse des panneaux
Un peu partout dans la vallée, d’étranges signalisations ont fait leur apparition.
Il y a quelques années déjà, la loi "engagement national pour l'environnement", a fait évoluer la réglementation sur la publicité, notamment sur les préenseignes dérogatoires. C'est ainsi que les signalisations des activités, le long de nos routes de campagne, ont pour la plupart été proscrites. Aujourd'hui, seule l'indication des monuments historiques et des activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir local est autorisée.
Ces dispositions ont souvent fait réagir les élus et les anciens bénéficiaires de ces préenseignes, jugeant ces dernières indispensables au maintien des activités situées pour la plupart, en zone rurale et hors de la vue du voyageur. La seule alternative, pour pouvoir flécher les activités concernées, reste la "signalisation d'information locale" (SIL) destinée aux services et activités liés au tourisme et situés à proximité de la voie.
Pour le département de la Drôme, cela s'est traduit par l'adoption d'une charte de la SIL, laquelle contient une nomenclature très précise des panonceaux autorisés. C'est ainsi que, depuis quelques jours, on a pu constater l'implantation de cette signalisation très discrète… au point de ne pas être très lisible par les automobilistes. Pour ajouter à l'incompréhension, certains panonceaux à fond sombre ont une écriture de teinte noire… alors que d'après la charte, elle devrait être blanche. En clair, cette signalisation serait parfaite en agglomération et pour les piétons, mais pas en rase campagne.
Bref ! Vous l'aurez compris, il n'y a certainement pas là de quoi satisfaire pleinement le client car, au final, c'est lui qui a payé. En effet, si les communes ou les intercommunalités se sont en général chargées du pilotage des dossiers, c'est bien le "bénéficiaire" de cette signalisation qui, dans la plupart des cas, en assure le financement et l'entretien.
La signalisation radars "fleurit" aussi nos campagnes Dans le même temps mais au niveau national, ont également fleuri les nouveaux (et pas très beaux) panneaux signalant les radars le long des grands axes. À la différence de ses prédécesseurs, cette signalisation n'est plus de proximité, mais applicable sur une plus ou moins longue distance.
Concernant notre région, c'est l'axe Valence Gap qui a été ainsi équipé de la sorte à chaque carrefour important et dans les deux sens. On n'ose deviner le nombre de panneaux pour très peu de radars… si l'on ne compte pas les "embarqués" ou mobiles qui - malgré ces avertissements à longue distance - nous surprendront toujours. C'est ainsi qu'à Crest on trouve le panneau annonçant la possibilité de radars sur 135 km… Cette nouvelle signalétique permet de supprimer celle aux abords de ces boîtes à contrôle comme sur la RD 111 à Étoile ; alors que celui de la route de Chabeuil tout comme celui de Chabrillan garderont leur avertissement de proximité.
Tout ça, vous l'avez deviné, sent la prochaine limitation de vitesse à 80 km/h. Alors, pour parfaire le dispositif, il est envisagé de compliquer le tout par une restriction particulière aux routes à trois voies dont l'une est séparée par une ligne continue. Ce dispositif concernerait, sur le secteur du Crestois, deux portions de route: la 1ère à la montée du contournement ouest de Crest et la 2ème au quartier des Plantas entre Aouste et Crest. Sur ces courtes sections, on pourrait rouler à 90 dans un sens et à 80 dans l'autre ; à moins qu'on ne conserve un 70 existant. Que chacun y retrouve ses petits… Là aussi le nombre de panneaux va enfler et même si on pense que la lutte contre l'accidentologie routière n'est pas à remettre en cause, l'automobiliste, comme le contribuable, peut se poser la question sur le bien-fondé des moyens et sur la pertinence de la dépense.
La loi sur l'environnement avait sûrement un fondement louable au regard de nos paysages, mais les décideurs érudits parisiens n'avaient à l'évidence pas pris en compte toutes ses retombées sur nos territoires ruraux. Ils n'ont d'ailleurs pas mieux réfléchi lorsqu'ils ont décrété la nouvelle signalisation des mouchards routiers qui, pour le coup, sans offrir de meilleurs services, vient un peu ternir l'esprit de la loi sur l'environnement. Si on voulait imiter Monsieur de La Fontaine, on écrirait pour la morale de cette histoire : "On peut avoir longtemps fréquenté l'école, la réflexion, c'est comme la vue… plus on est éloigné du sujet, moins on le voit."
René Bergier
Article paru dans Le Crestois du 23 mars 2018