Le 1ᵉʳ bâtiment à énergie positive + de la Drôme
L’école de Vercheny est devenue trop petite et inadaptée. Le projet d’en créer une autre est devenu réalité.
L’école Antoine Barnave accueille 67 enfants de la maternelle au primaire. Elle est devenue vétuste, très énergivore, dans des préfabriqués qui ont fait leur temps.
Il est l’heure, maintenant, de penser à l’avenir avec un projet novateur et adapté à l’évolution démographique de la commune qui compte un peu moins de 500 habitants. Le terrain est de choix, inoccupé et vierge de toute construction, juste à côté de l’école actuelle qui sera en partie détruite. Le projet sera développé sur 800 m2, avec deux classes pour les primaires, une pour les maternelles, une salle de motricité et une salle polyvalente pouvant évoluer en classe. Car la Fondation Ardouvin va grandir. Le département souhaite que la fondation située sur le Haut Vercheny accueille plus d’enfants placés par les services de protection de l’enfance. En 2020, vingt enfants de plus sont attendus, soit environ la moitié pour l’école de Vercheny.
Le projet a été présenté à plusieurs reprises aux villageois qui l’ont accueilli avec entrain. « Il n’y a pas eu d’opposition », précise le maire, Franck Monge. La qualité de la construction y est sûrement pour quelque chose. L’attention portée au respect de l’environnement, à la sobriété énergétique, avec une empreinte carbone négative a certainement encouragé les habitants à approuver ce projet. C’est un projet communal mais il rayonne bien au-delà, puisque certains tout-petits des communes voisines viennent à la maternelle. Les écoles de Barsac, Espenel, Rimon et Savel, Saint Benoît, Pontaix, Aurel dont le nombre d’enfants diminue chaque année, la vallée de la Roanne… n’ont pas de maternelle. Les petits viennent donc à Vercheny. Et avec tous ces critères et les besoins qui augmentent, la salle de restauration est prévue aussi de manière différente. Aujourd’hui, la fondation Ardouvin apporte les repas en liaison chaude. Les menus sont équilibrés, en respect avec une consommation locale et bio et les élus ne souhaitent pas arrêter cette collaboration. Toutefois, une salle de restauration et une cuisine en liaison froide permettront de travailler différemment, de manière pérenne. La cantine est une vraie nécessité dans ces territoires reculés. 90 enfants pourront ainsi être accueillis pour le repas de midi, contre la moitié aujourd’hui.
Ce projet, qui est le projet du mandat, nécessite une réelle étude pour demain. Rien n’est laissé au hasard et des commissions au sein du conseil municipal ont permis de travailler sur l’écologie, l’architecture et les finances. Le maire se ravit d’être entouré par une équipe technique et professionnelle, qui travaille sur un projet commun.
À l’échelle des matériaux bio-sourcés et géo-sourcés, comme la pierre, la terre et le bois, cette construction répond à tous les critères d’éligibilité au BEPOS+. Les façades extérieures sont en pierres locales, avec des jointoiements en chaux. La pierre et la terre sont les deux matériaux de construction ayant le plus faible impact environnemental. Le bois est utilisé en bardage, et en isolant avec la fibre de bois ou de chanvre. Les menuiseries, pour des raisons de résistance, sont en aluminium profilé à rupture de pont thermique. Le bâtiment possède 160 m2 de panneaux photovoltaïques. Il sera chauffé par une chaudière à granulés et par un plancher chauffant. Les méthodes de chauffage ont été accompagnées par la plateforme énergie de la Communauté de Communes de Crest et du Pays de Saillans. Un mur porteur est en enduit de terre ; il permet d’absorber ou de rendre de l’humidité en fonction des besoins de la pièce et de la météo. La partie libre de la toiture est plate et végétalisée. Des bandes de haies hautes d’environ 1,20 m masquent les façades des salles de classe, jouant un rôle de filtre thermique végétal pendant les périodes chaudes. La conception du bâtiment privilégie une démarche bioclimatique pour atteindre deux objectifs : conserver dans le temps les performances demandées de niveau BEPOS Effinergie + et assurer un confort maximal aux futurs usagers du bâtiment.
L’orientation est importante, avec un décalage de la route qui offre la possibilité d’espaces extérieurs partagés. La circulation douce est envisagée, avec un dépose minute, et une nouvelle organisation de la desserte. La cour de récréation est à l’abri de la route et des caprices du vent. En intérieur, les espaces de circulation sont adaptés au déplacement des enfants avec la dépose des chaussures. Tout est pensé pour simplifier la vie de ces chérubins.
Corinne Lodier
Le territoire connaît déjà les BEPOS, ces bâtiments qui produisent l’énergie pour leur propre fonctionnement. Le BEPOS + produit plus d’énergie qu’il n’en consomme, et notamment plus d’électricité que nécessaire à son fonctionnement global (lumières, ordinateurs…).
La loi de transition énergétique du 1er septembre 2017 demande à ce que les constructions neuves de l’État et des collectivités territoriales répondent aux caractéristiques de performance énergétique et environnementale en vigueur. Il leur faut donc une sobriété énergétique, une production d’énergie renouvelable, un équipement performant et une faible empreinte carbone.
Il faut aussi insister sur la conception architecturale et les équipements qui permettent une faible consommation d’énergie ; une participation active des occupants à l’optimisation de la performance avec des comportements éco-responsables ; un juste équilibre entre besoins et consommation réelle grâce au pilotage efficace de l’électricité consommée.
Le coût de l’opération
L’estimation du CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement) est de 1,5 million de travaux, plus les études. Seulement, à l’ouverture des plis de l’appel d’offre, mauvaise surprise, le montant est de 2,3 millions. La fourchette est haute. L’explication se trouve certainement dans le fait que les entreprises ont leur agenda bien rempli et ne peuvent pas faire tout en même temps. Les prix flambent ! C’est aussi la fin du mandat et les entrepreneurs en profitent car il faut que les projets aboutissent pour des raisons de campagne. En gros, comme il ne se passera pas grand-chose en début d’année prochaine, il semblerait que les professionnels du bâtiment en profitent maintenant ! Du fait, deux lots n’ont pas été attribués, comme l’ossature bois qui est au double de l’estimation.
Les subventions sont prévues, avec la DETR de 62 500 € et la dotation de soutien à l’investissement public de 112 500 €. Le département a alloué 49 % du montant, soit 750 000 € pour la première tranche. La région apporte 37 000 € et il va falloir étudier une deuxième tranche. Le programme européen FEADER prévoit 200 000 €. Le bonus bois du Département permet de compter sur 100 000 €. Avec tout ceci, 75 % du budget est couvert. Mais la commune va devoir souscrire un emprunt, à hauteur de 50 % du restant (700 000 €). Comme c’est un projet de mandat, le maire explique que le budget avait été un peu anticipé et que l’autofinancement de la moitié est prévu. La visite du conseiller régional, Didier Claude Blanc, va peut-être permettre l’ouverture vers d’autres horizons. Il étudie la possibilité d’étendre le projet à un effet intercommunal car des enfants de communes voisines viennent à Vercheny. Ceci permettrait d’obtenir des subventions, avec le prochain contrat ambition Région qui porte sur les intercommunalités, pour combler la différence notable.
Pour rester proche de leur optique d’économie d’énergie, les entreprises choisies, par un effet aussi du hasard (car les appels d’offres ne permettent pas de restreindre au territoire) sont drômoises.
Un travail avec l’école du village
Le projet d’une nouvelle école a été, bien sûr, le bienvenu pour l’équipe pédagogique et pour les enfants. Les élus ont désiré intégrer les scolaires dans le projet et, en partenariat avec le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE), ils travaillent depuis l’automne 2017 sur l’école en général jusqu’à l’ouverture de la nouvelle école. Ils ont commencé par une étude des écoles dans le monde, puis ils ont continué avec des recherches sur l’école d’autrefois. Le film de Pagnol La Gloire de mon père leur a permis de toucher du doigt un monde bien éloigné du leur. Puis les plus anciens du village sont venus leur parler et certains se sont retrouvés sur les vieux clichés. Élie Arnaud a raconté son école aux CM1 et CM2, Mme Raillon a partagé ses souvenirs avec les CP, CE1 et CE2. L’ancienne maîtresse de Vercheny, Annie Morin, qui y a commencé sa carrière, a présenté l’évolution de l’enseignement, les matières enseignées et a dû répondre aux questions multiples ! Ces rencontres ont suscité de nombreuses questions et des étonnements, on s’en doute ! Depuis, un petit musée a été créé pour montrer les vieux objets, ces poids à déposer sur la balance, les vieux ouvrages dont les pages sont si fragiles qu’il faut les tourner avec beaucoup de précaution… Avec Hélène Mayot et Anne-Laure Julian, du CAUE, les enfants ont découvert une frise de l’histoire de l’architecture de l’Antiquité à nos jours. Les visites de bâtiments existants ont donné de la réalité à la théorie. Et le jeu des 7 familles à partir de photos de différents bâtiments est régulièrement brassé et distribué !
Enfin, pour les impliquer dans le projet, les élus sont venus le présenter, en présence de l’inspecteur d’académie. Une frise chronologique des différentes étapes de la future construction a permis aux enfants de se situer dans le temps. Les plus grands ont eu la tristesse de voir qu’ils n’y feront pas leur rentrée puisque partis au collège !
La saison scolaire 2019-2020 sera axée sur la découverte des métiers du bâtiment et de l’architecture.
Article publié dans Le Crestois du 19 juillet 2019