Les actus à découvrir dans le journal de la Vallée

                

La vallée de la Drôme plonge dans l'inconnu

Les habitants se confinent chez eux. Les entreprises tentent d'éviter que la crise sanitaire ne se transforme en désastre économique et social.

Ce n'est sans doute que le début. L'épidémie de coronavirus est en train de bouleverser la planète, l'Europe, la France... Et elle n'épargne pas la vallée de la Drôme. Selon nos informations, au moins deux personnes auraient été diagnostiquées à Crest, et présentent tous les symptômes de la maladie. Une Grânoise présenterait également les mêmes symptômes et reste confinée chez elle.

Il n'y avait, mardi 17 mars, aucun patient atteint du virus hospitalisé à l'hôpital de Crest, selon le maire, Hervé Mariton. Mercredi, on comptait dans le département 77 patients infectés (six de plus que la veille) et deux personnes décédées (une de plus que la veille), selon les données de l'Agence Régionale de Santé (ARS). En France, on recensait à la même date 9.134 cas et 264 décès. Des chiffres à prendre avec précaution car, de l'aveu même de l'ARS, « le nombre de cas annoncés ne représente plus la totalité des personnes infectées par le virus ».

À ce stade de l'épidémie, les hôpitaux demandent aux patients présentant des symptômes de rester chez eux tant qu'ils ne rencontrent pas de difficultés respiratoires, afin d'éviter une saturation des services d'urgence et de ré- animation (cf. l'interview du directeur de l'hôpital de Crest).

Il y a une quinzaine de jours, beaucoup d'habitants de la vallée (et d'ailleurs) n'avaient pas pris la mesure du tsunami qui s'apprêtait à s'abattre sur eux. Mais un déclic semble s'être produit suite aux annonces du Président de la République et du premier ministre. Premier signe de cette prise de conscience : dimanche, la participation électorale était particulièrement faible, à Crest en particulier (cf. dans notre édition). Par ailleurs, dès le vendredi 13 mars, les habitants du bassin crestois se sont déplacés en nombre dans leur supermarché pour y constituer du stock en prévision de la période de confinement qui s'annonçait. Le lundi 16 mars, les annonces d'Emmanuel Macron et l'officialisation des mesures de restriction de la circulation ont achevé de convaincre les sceptiques, qui ont dévalisé les rayons des supermarchés dès le lendemain.

HARO SUR LES SUPERMARCHÉS ET ÉCONOMIE AU RALENTI...

« Nous avons eu beaucoup, beaucoup de monde... Énormément... », s'étonne encore Damien Loyal, président directeur général de l'Intermarché d'Aouste-sur-Sye. Mardi matin, la grande surface avait pourtant prévu un dispositif pour éviter la cohue et limiter la promiscuité entre ses clients. « Pas plus de 100 personnes ne peuvent être présentes en même temps dans le magasin, et il n'est pas question de faire ses courses en famille », précise-t-il. Mais le déferlement de consommateurs a forcément enrayé le fonctionnement habituel du supermarché.

Côté approvisionnement, Damien Loyal précise que « ça ne se passe pas très bien, mais ce n'est pas parce qu'on manque de denrées, c'est simplement la conséquence du pic de consommation de ces derniers jours, avec l'impossibilité logistique et humaine de réapprovisionner ». Pas de risque, selon le chef d'entreprise, de connaître des ruptures de stock « sur la partie alimentaire : c'est du devoir du secteur agro-alimentaire de pourvoir aux besoins des consommateurs ».

En revanche, des pénuries pourraient survenir dans le non-alimentaire, car « certaines entreprises ont tout simplement stoppé leur production, notamment pour la vaisselle ou le textile », précise Damien Loyal. Des ruptures de stocks sur certains produits, comme le papier toilette, ont déjà été constatées.

Les mesures de confinement qui ont cours aux quatre coins de la planète chamboulent en effet l'ensemble des chaînes d'approvisionnement. Le cas de notre journal est à ce titre exemplaire : nous attendions une pièce de rechange pour notre presse offset, qui est arrivée avec trop de retard pour nous permettre d'imprimer le journal dans les temps. Le papier, qui nous vient de Slovénie, pourrait ne pas être livré. Idem pour les consommables d'impression qui nous viennent de Pologne, d'Allemagne, ou d'Inde... Des effets cascades qui vont avoir un impact lourd sur notre activité.

Et ce qui vaut pour Le Crestois vaut bien entendu pour d'autres secteurs d'activité. Dans le BTP par exemple, c'est l'inconnu. Pour Régis Roche, dirigeant d'une entreprise du secteur comptant huit salariés, la situation est très inquiétante. « L'État nous demande de continuer à travailler en prenant des mesures de protection comme le port du masque. Dans le même temps, il nous rappelle que nous sommes responsables de la sécurité et de la santé de nos salariés... Alors certains employeurs préfèrent que leurs employés restent chez eux pour le moment. Le problème, c'est que nous ne pourrons pas bénéficier des dispositifs de chômage technique et partiel », explique Régis Roche, qui s'inquiète des conséquences sur la trésorerie de sa société. « On va être contraint de reprendre l'activité en début de semaine prochaine, mais si les matériaux ne sont pas ou peu disponibles chez nos fournisseurs, comme ça a été le cas cette semaine, on va être bloqués. Sans compter sur une possible pénurie de main-d'œuvre », s'inquiète encore le chef d'entreprise. Quant au béton, matériau de base du secteur, les points de vente sont aujourd'hui fermés, selon Régis Roche.

PETITS COMMERCES EN SURSIS

Enfin, c'est le sort des commerces dits "non-essentiels" qui est particulièrement préoccupant. Contraints de baisser le rideau depuis le samedi 14 mars à minuit, beaucoup redoutent un effondrement de leur chiffre d'affaires et une perte sèche de revenus.

Éva Baechler, commerçante crestoise propriétaire du dépôt-vente "Histoires d'Enfants", est très inquiète pour son activité et pour celle de ses confrères du centre-ville. Elle s'interroge en particulier sur la situation des petits patrons et des auto-entrepreneurs. Les reports d'échéances fiscales, du paiement des cotisations sociales ou des loyers annoncés par le gouvernement pourraient ne pas suffire, s'inquiète la commerçante : « Comment on va vivre ? Ça fait très peur, certains petits patrons ne vont pas avoir de revenu du tout. Les auto-entrepreneurs en particulier n'ont aucun droit, pas de chômage partiel, pas de chômage du tout ! »

La commerçante engagée a d'ailleurs dès lundi tenté de contacter la députée de la troisième circonscription de la Drôme, Célia de Lavergne, pour obtenir des réponses. Très sollicitée, l'élue La République en marche (LREM) tâche, tant bien que mal, de se faire le relai des mesures prises au fil des heures par les ministères. « La philosophie générale du gouvernement, c'est que quoi qu'il en coûte, et il en coûtera, la priorité est donnée à ce que les gens aient de quoi vivre », promet la députée. « C'est une crise sans précédent, le président a parlé de "guerre" pour marquer les esprits, mais aussi parce que la situation dans le pays en terme de circulation de biens et de services est similaire à celle d'un temps de guerre », poursuit-elle. « Le but du gouvernement, c'est d'activer tout ce qui est possible pour donner du mou aux entreprises, pour décaler l'activité, se mettre en pause et en même temps, que l'on puisse vivre », assure encore Célia de Lavergne.

La députée veut encourager les acteurs économiques à se rendre sur le site du ministère de l'économie et des finances, où sont disponibles de nombreuses informations sur les dispositifs proposés (economie.gouv.fr). Elle invite aussi à consulter le site web de la Banque Publique d'Investissement (BPI, www.bpifrance.fr), une structure qui pourrait proposer, selon la députée, « de régler au cas par cas des problèmes de trésorerie, dans l'idée d'éviter les faillites et les licenciements ».

Sur les micro-entreprises, Célia de Lavergne assure que « 45 milliards d'euros vont être débloqués ». La députée propose aux habitants de la circonscription de la retrouver à l'occasion d'un "Facebook live", le samedi 21 mars à 11h, pour « répondre aux questions relatives à la situation ».

Martin Chouraqui

Article paru dans Le Crestois du 20 mars 2020

Notre édition du 20 mars n'est pas en kiosque. Vous pouvez toutefois la consulter gratuitement et en intégralité en cliquant ici.
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