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Face à la pénurie de masques, l'hôpital de Crest appelle aux dons

À l'approche du pic de l'épidémie de Covid-19, certains équipements médicaux, et notamment les masques, font cruellement défaut dans les hôpitaux de la Drôme. Celui de Crest ne fait pas exception.


Le temps est compté. Les hôpitaux de la Drôme s'apprêtent à affronter le pic de l'épidémie de coronavirus dans les tous prochains jours. Et si les structures hospitalières du département ont eu la chance de disposer d'un peu plus de temps que d'autres pour anticiper « la vague » qui s'annonce, elles souffrent tout autant des carences du système hospitalier français. Depuis le début de l'épidémie en France, les personnels hospitaliers tirent la sonnette d'alarme : les établissements manquent cruellement de certains équipements, et en particulier de masques, matériel indispensable pour protéger les soignants face au virus, mais aussi pour protéger les patients hospitalisés non infectés par le Covid-19. Particulièrement vulnérables, les résidents des Ehpad (Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) pourraient aussi pâtir de cette pénurie : l'intrusion du virus dans certaines structures a d'ores et déjà provoqué des ravages dans le pays.

Face à l'urgence, les directeurs des hôpitaux de Montélimar et de Crest ont fait le choix de sortir des procédures habituelles et d'en appeler à la générosité de la population pour parer au plus urgent. « Toutes les entreprises, ou quiconque qui pourrait nous donner des masques, sont les bienvenus », lance ainsi Olivier Moulinet, directeur délégué de l'hôpital de Crest, avant de préciser que le centre hospitalier était aussi à la recherche de « tenues de protection type sur-blouse ». Michel Cohen, le directeur de l'hôpital de Montélimar, avait déjà lancé un appel au don la semaine dernière. « Nous avions sollicité des dons en masques, en lunettes de protection et en sur-blouses, précise-t-il. La générosité a fonctionné, mais nous sommes toujours en tension ». Des démarches inhabituelles, car en temps normal, ce ne sont pas les hôpitaux mais l'Agence régionale de santé (ARS), bras armé du ministère de la santé dans la région, qui se charge d'organiser l'approvisionnement des structures hospitalières en matériel médical. Ces entorses aux usages en disent long sur l'urgence de la situation et sur l'ampleur de la pénurie que rencontrent les centres hospitaliers.

« C'est scandaleux, on part au feu mais sans armes ! » s'indigne Patrick Didier, secrétaire du syndicat Force ouvrière (FO) à l'hôpital de Crest. « Comme partout en France, nous manquons de masques FFP2 et de masques chirurgicaux et nous sommes obligés de faire du rationnement », explique le délégué du personnel. Ces deux types de masque sont pourtant essentiels dans la lutte contre le coronavirus : les masques FFP2 permettent de protéger les personnels en contact avec des patients contaminés, tandis que les masques chirurgicaux permettent d'éviter que les personnels éventuellement infectés ne contaminent des patients épargnés.

BEAUCOUP D'ANNONCES, PEU DE MASQUES...

L'ARS Auvergne-Rhône-Alpes a pourtant assuré au Crestois avoir récemment livré les centres hospitaliers du secteur : « Des livraisons de masques ont eu lieu en fin de semaine dernière aux établissements support des Groupements Hospitaliers Territoriaux de la région (quelques centaines de masques FFP2 et chirurgicaux) au niveau du centre hospitalier de Crest ». Interrogée sur le nombre précis de masques livrés et sur leur répartition dans les hôpitaux du secteur, l'ARS a répondu « ne pas pouvoir donner ces chiffres détaillés », avant d'assurer que « le centre hospitalier de Valence a bien été livré en masques chirurgicaux pour équiper l’ensemble des établissements sanitaires et médico-sociaux du territoire ». Le samedi 21 mars, le ministre de la santé, Olivier Véran (LREM), annonçait quant à lui avoir commandé « plus de 250 millions de masques », avant de préciser qu'ils seraient livrés « progressivement » aux établissements hospitaliers. Mais à entendre les appels aux dons des directions des hôpitaux de Montélimar, de Crest, et d'ailleurs, il semble que ni les annonces du ministre, ni les livraisons orchestrées par l'ARS n'aient, pour l'heure, répondu aux besoins des personnels soignants.

« La première dotation de l'État est quantitativement insuffisante », relève d'ailleurs sèchement le directeur du centre hospitalier de Montélimar. « L'ARS et le gouvernement font de la communication, mais pour les livraisons de masques, on attend toujours », s'indigne Karim Chkeri, secrétaire de la CGT au Centre Hospitalier de Valence. Son syndicat a lui aussi lancé un appel aux dons et récolte quotidiennement des masques et autres matériels de protection auprès d'entreprises et de particuliers. « Chaque masque compte », lance le délégué syndical, usé par les premières semaines de lutte contre l'épidémie. « À Valence, nous avons besoin de 2000 masques par jour, mais il y a pénurie, on ne les a pas, et on ne les aura pas », affirme-t-il. Le représentant syndical assure que la direction de l'hôpital a prévenu le personnel qu'ils allaient « manquer de masques FFP2 ». « On a très peur que nos agents ne soient pas équipés lors du pic », s'inquiète encore Karim Chkeri. Sollicité, Freddy Serveaux, directeur des centres hospitaliers de Valence, Crest, Die et Tournon-sur-Rhône (ces quatre établissements ont une direction commune), a décliné notre demande d'entretien.

« Notre direction refuse de communiquer parce que la situation est catastrophique : le matériel n'est pas là, rien n'a été anticipé. Il faut arrêter de mentir à la population », lance encore le délégué CGT, avant d'avertir : « Si les agents n'ont pas le matériel nécessaire pour assurer leur sécurité, ils mettront en œuvre leur droit de retrait, car certains sont eux-mêmes fragiles, et beaucoup comptent dans leur entourage des personnes vulnérables ».

Selon le responsable syndical, parmi les personnels de l'hôpital de Valence, « plus d'une vingtaine ont contracté le virus, notamment deux médecins, dont l'un est aujourd'hui en réanimation ». Olivier Moulinet, le directeur délégué de l'hôpital de Crest assure quant à lui qu'il « y a des cas suspects parmi les professionnels » à Crest. Michel Cohen précise pour sa part que « six soignants sont contaminés Covid ou suspects » au centre hospitalier de Montélimar.

LES CONSÉQUENCES DE CHOIX POLITIQUES ?

Pour Fabrice Vinson, secrétaire du syndicat FO à l'hôpital de Valence, l'origine du problème est à chercher dans « les plans d'économies successifs qu'on nous a imposé depuis quatre ans ». « Nous manifestons depuis des mois contre les baisses de dotations, contre les suppressions de lits à outrance. Et ce n'est qu'aujourd'hui que les gens voient le résultat de cette politique », s'indigne-t-il. Quant au maigre stock de masques, le délégué syndical y voit là encore une conséquence de la rigueur budgétaire : « On est à flux tendu parce que pour les directions, des stocks, c'est de la trésorerie qui dort ! »

« Il faudra qu'à la fin de cette crise on remette sur la table le sujet de l'hôpital», estime Fabrice Vinson, qui regrette que depuis 2007 et la tarification à l'activité, « l'hôpital public [soit] géré comme une entreprise, on en paie aujourd'hui les conséquences ». Son collègue Karim Chkeri va plus loin encore dans la critique des décisions politiques : « L'hôpital est en danger depuis un an et demi, ce gouvernement, en plus d'être incompétent, mène une politique criminelle en mettant en danger la population et le personnel soignant ».

À la direction de l'hôpital de Montélimar, la critique se fait nettement plus feutrée : « Que chacun fasse avec ses moyens, battons-nous pour avoir des masques, pour donner le maximum de sécurité à nos soignants, la polémique sera pour plus tard, il ne faut pas participer à cette chasse à la responsabilité politique », estime le directeur Michel Cohen. Avant toutefois de nuancer : « Certes, ils ont une part de responsabilité ».

Martin Chouraqui

 

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