Confinement et violences en famille
Le confinement a une action directe sur le calvaire vécu par les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants, sans excuses de sortie. Elles vivent en silence.
Alors que le confinement oblige tout le monde à rester à la maison, que les écoles sont fermées, qu’une multitude d’activités professionnelles sont arrêtées, les familles vivent ensemble sous le même toit, et parfois, cette proximité favorise les violences.
En matière de violences conjugales, Paris et sa région a vu une augmentation de 36% des interventions de la police dès la première semaine du confinement. Devant cet état d’urgence, le Ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a mis en place un numéro d’alerte par SMS, le 114. Sur un simple message, qui ne fait pas de bruit, les opérateurs engagent les forces de l’ordre à intervenir au domicile de la personne qui écrit.
Les voisins sont aussi mis à contribution : en cas de cris ou de bruits suspect, il est préférable d’en avertir les forces de police pour qu’une vérification soit faite. Les gendarmes et policiers sont habilités à remarquer les couples en tension lors d’une simple visite à domicile.
Le directeur de l’association REMAID France Victimes 26, Fabrice Delabroy, ne remarque pas d’augmentation sur la vallée de la Drôme. « Il y a même une sacrée baisse des signalements. Nous craignons que le confinement empêche les victimes de se manifester » remarque le directeur. Il explique : « Nous avons environ 25% des appels qui font l’objet de poursuite au parquet ; aujourd’hui, nous sommes à 10%. Au total, les violences conjugales représentent 12% de notre activité sur cette période contre 25% en temps normal. Sur le Crestois, une seule demande d’aide a été faite sur la vingtaine de situations connues ».
Les seules manières qu’ont les victimes de signaler leur calvaire est de compter sur des voisins vigilants ou d’une crise dans la rue. Le directeur est formel, il ne faut pas hésiter à signaler aux gendarmes toute attitude suspecte. Un seul appel peut sauver des vies. « Il faut être hyper-vigilant aujourd’hui. Car, avec REMAID, les victimes sont prises en charge immédiatement, et les gendarmes emmènent l’agresseur » précise ce bénévole. L’homme, car c’est souvent le cas, est, soit mis en garde à vue, soit sous contrôle judiciaire à domicile avec interdiction d’entrer en contact avec sa compagne et les enfants qui sont pris en charge par l’association.
Il insiste vraiment sur cette attitude de vigilance citoyenne. Des enfants sont parfois témoins de ces violences. Il précise que les petits garçons dont les papas tapent la maman, taperont eux-mêmes leur compagne et les petites filles vivront certainement la même situation que leur maman. « Il est essentiel de les prendre en charge, soit accompagnés avec leur maman, soit placés dans des structures d’accueil si leur maman n’est pas en état de s’en occuper. Il vaut mieux appeler pour rien que de ne rien faire et d’apprendre une tragédie » insiste Fabrice Delabroy. Car il est formel : « Il n’y a que deux explications à la baisse de signalement, la première, il y a moins de violence conjugale avec le confinement ; la deuxième, elles sont passées sous silence. Et je penche sérieusement sur la deuxième solution. C’est pourquoi, c’est l'affaire de tous, et je demande aux citoyens d’être attentifs à leur prochain ».
En ces temps compliqués, il existe une permanence tenue par des professionnels. Au bout du téléphone, ils sont capables d’analyser la demande. Marjorie, au travail le jour de mon appel, est perplexe : « Nous ne sommes pas du tout en phase avec les chiffres nationaux, il n’y a pas d’explosion ici. C’est bizarre quand même ! En réalité, les femmes ne peuvent plus sortir et elles sont sous le contrôle de leur compagnon si elles mettent le nez dehors. On ne sait même pas si elles ont accès à l’information pour entendre ce qui est fait pour elles. Elles ont ainsi une marge de manœuvre hyper réduite. Il faut aussi penser que si l’homme travaille, la femme peut trouver un moment pour se signaler, mais s’il ne travaille pas, il sombre parfois dans l’alcool et le stress. Il devient horrible de toutes les façons. En plus, avec ce confinement, la question essentielle des femmes "je vais aller où ?" est encore plus importante. Elles sont coincées entre les coups et le Covid-19 ! Que choisir ? Les freins habituels sont renforcés. Mais je suis sûre d’une chose : avec le confinement, les voisins entendent les bruits révélateurs et peuvent faire des signalements. Il s’agit de bon sens et de bienveillance. »
Du côté du Centre Médico-Social Crestois (CMS), il n’y a pas de retombée, « Il faudra voir à la sortie du confinement. » Les centres médico-sociaux de Crest et Die sont temporairement fermés au public. Cependant une permanence téléphonique renforcée a été mise en place (Crest 04 75 25 84 30, Die 04 75 22 03 02). Pour les deux CMS, les agents départementaux sont susceptibles de se déplacer pour effectuer des visites à domicile, soit en PMI pour voir un bébé, soit sur demande de la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes) lorsqu'il y a des inquiétudes, un signalement concernant une famille ou des violences conjugales. Les visites à domicile s’effectuent dans les mêmes conditions d'hygiène et de sécurité que pour les consultations (masques, gel, gants, blouses).
En cas de doute, ne pas hésiter à contacter la gendarmerie ou REMAID France Victimes 26 par mail (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) ou sur facebook messenger.
Corinne Lodier
« En novembre dernier, la Région signait avec Action Logement un partenariat permettant de multiplier les places d’hébergement d’urgence pour les femmes victimes de violences et leurs enfants. La Région a pu renforcer cette semaine le partenariat avec l’association permettant la mise à disposition de 150 places supplémentaires. Au total, 210 places sont désormais disponibles.
Toujours dans le cadre de la crise sanitaire que nous traversons et ses conséquences, Laurent Wauquiez a également alerté le 24 mars dernier le ministre de l’Intérieur afin que les femmes victimes de violences conjugales puissent envoyer des SMS d’urgence sur le 114, initialement réservé aux personnes sourdes et malentendantes. Jusqu’à présent, en effet, les victimes devaient se rendre sur une plateforme internet pour signaler des violences.
Cette situation n’était pas satisfaisante pour de nombreuses femmes privées de connexions internet, dans des zones rurales notamment. Le Gouvernement a donc accepté la proposition de Laurent Wauquiez pour mettre à disposition ce numéro aux victimes de violences infra-familiales. La Région s’engage ainsi à très largement communiquer sur le 114 ».
Publié le 7 avril 2020