"Transitions", la chronique de Vincent Meyer du vendredi 21 août 2020.

Mon père était un homme droit et honnête. C’est ainsi que les gens qui le connaissaient parlaient de lui. Je lui rends hommage et je cultive sa mémoire. Mais j’ai conscience que les mots ont changé de sens. Aujourd’hui quelqu’un de droit est souvent réputé psychorigide, quelqu’un d’honnête passe pour un naïf… Un glissement de valeurs s’est-il opéré insidieusement ? A l’insu de notre plein gré ?

En fait, nos références éthiques sont supposées en progrès et partagées : égalité des droits, justice sociale, solidarité, respect de la personne, conscience humanitaire. Il y a un quasi consensus. Mais l’affirmation de ces valeurs s’accommode aisément de transferts massifs hors de notre vue : déchets industriels traités dans le tiers monde, pesticides interdits en Europe mais vendus en Afrique, vêtements bon marché fabriqués par des enfants en Asie, émissions massives de CO2 au préjudice premier des pays pauvres, essais de médicaments ou de vaccins sur des populations précaires non informées, manipulation des cours des matières premières et des denrées agricoles. Sans oublier les assassinats ciblés via missiles ou drones télécommandés. Tout cela se passe en sous-main, en arrièreplan, en back office. Pas sous mes yeux. Je n’ai pas donné d’accord explicite. Pas coupable et si peu responsable…

Article publié dans Le Crestois du 21 août 2020