Assainissement : quel plan d'action après la mise en demeure ?
La 3CPS et la Ville de Crest ont pris des engagements pour la mise en conformité du système d'assainissement. Seront-ils suffisants ?
La mauvaise nouvelle était arrivée au coeur de l'été sur le bureau du président de la Communauté de Communes du Crestois et du Pays de Saillans (3CPS). Le 5 août dernier, la préfecture prenait un arrêté de mise en demeure visant l'intercommunalité présidée par Denis Benoit, l'enjoignant à « procéder à la mise en conformité de l'agglomération d'assainissement de la 3CPS ». Avec une date butoir : le 30 septembre. Et la menace de lourdes sanctions administratives, parmi lesquelles un possible blocage des Plans Locaux d'Urbanisme (PLU) et des permis de construire.
Dans le viseur de l'État, les défaillances chroniques du système d'assainissement du Crestois et les rejets répétés d'eaux usées directement dans la rivière. Des "largages" d’égouts dans la Drôme, appelés pudiquement « déversements », jugés beaucoup trop nombreux par les services de l'État.
Alors que la réponse de la 3CPS commençait à se faire attendre, Denis Benoit et Gilles Magnon, vice-président en charge de ce dossier, ont finalement présenté les mesures prévues lors d'un point presse, le mardi 10 novembre.
« La Communauté de Communes a travaillé pour répondre aux exigences de l'État, dont nous partageons le point de vue, a assuré Denis Benoit. Nous avons construit un plan d'action sur six ans, jusqu'au terme du mandat, afin de remettre en conformité le système d'assainissement du Crestois ». « Des travaux sont à réaliser sur plusieurs des collectivités reliées à la station », précise le président de la 3CPS. Pour mémoire, six communes sont branchées sur la station d'épuration : Piégros la Clastre, Mirabel et Blacons, Aouste sur Sye, Crest, Eurre et Divajeu.
8,3 M€ DE TRAVAUX À CREST
En ce qui concerne Eurre et Divajeu, « le peu qu'il y avait à faire a déjà été réalisé », explique Denis Benoit. « À Aouste, 327 000 euros de travaux, qui étaient prévus avant la mise en demeure, seront réalisés en 2021 car, à Aouste, on n'a jamais avancé à coups d'arrêtés préfectoraux », note celui qui est aussi maire de la commune. En ce qui concerne Blacons et Piégros, « il n'y a rien à faire », ajoute-t-il.
Le gros des travaux sera donc à réaliser à Crest : « Il y en a pour 8,3 millions d'euros », annonce sans ciller le président de la 3CPS. Un montant astronomique, qui sera étalé sur six ans. « Il s'agit essentiellement de mise en séparatif », précise Denis Benoit. En d'autres termes, il s'agira pour la commune d'installer des canalisations distinctes pour les eaux de pluie et pour les eaux usées. Coût prévisionnel de cette mise en conformité : 3 millions d'euros, à la charge de la ville de Crest. « On ne peut pas faire de séparatif partout dans le centre ancien de Crest », ajoute Denis Benoit, avant de préciser que, pour cette raison même, il sera nécessaire de réaliser « un bassin d'orage ».
L'idée : stocker le mélange d'eau de pluie et d'eaux usées issues du vieux Crest dans un bassin, lors des épisodes pluvieux, pour les conduire ensuite à la station d'épuration par temps sec, et ainsi éviter la saturation de cette dernière.
Car c'est bien là le problème de fond du système d'assainissement du Crestois : par temps de pluie, les eaux usées se mêlent aux eaux pluviales, à Crest principalement, et viennent saturer la station d'épuration, contrainte de déverser le trop plein directement dans la rivière...
« La station d'épuration est conforme, il faut le dire haut et fort, insiste d'ailleurs Gilles Magnon. Elle reçoit 1 300m3 d'effluents en moyenne chaque jour, c'est 51% de sa capacité. Le problème du système d'épuration, c'est que la capacité en volume est dépassée lors des pluies ».
COMBIEN D'ARGENT PERDU ?
L'échéancier proposé par la 3CPS a en tout cas « été validé par les services de l'État », assure Denis Benoit. Pour autant, l'épée de Damoclès d'une suspension des permis de construire continue de planer au-dessus des communes reliées à la station. « Il reste aujourd'hui aux collectivités à s'engager à réaliser les travaux », poursuit le président de la 3CPS, avant d'avertir : « L'État tient à ce que ce soit fait dans les délais ».
Reste donc aujourd'hui, au delà du calendrier, à définir les modalités de financement de ces travaux pharaoniques. Avec, pour compliquer le tout, un partage des compétences dans ce dossier entre les communes, qui gèrent les réseaux, et l'intercommunalité, qui gère la station d'épuration.
Du côté de la ville de Crest, on assure que les travaux de mise en séparatif seront réalisés « dans les trois ans ». « Les travaux, d'un montant de 3 millions d'euros, seront très bien aidés par l'État, veut rassurer Hervé Mariton. Ils se feront principalement sur la rue Barbusse et sur le quai Pied-Gai ».
Au sujet du bassin d'orage, qui pourrait coûter la modique somme de 5,7 millions d'euros selon la 3CPS, « nous ne sommes pas encore calés et cela reste à affiner », précise le maire de Crest. « La question du bassin ne se pose pas pour les deux ou trois années qui viennent, ajoute-t-il. Il faudra ensuite s'interroger : sera-t-il rattaché à la station d'épuration ou au réseau, et donc, qui paiera ? » « Tout cela sera précisé dans le budget 2021 », dit encore Hervé Mariton, avant de rappeler : « Nous n'avons plus de dette sur le budget annexe de l'eau et de l'assainissement. Cela fait peut-être des jaloux, mais cela nous laisse surtout de la marge pour investir. »
Un argument qui laisse de marbre le président de la 3CPS : « Nous avons un regret, c'est que ces travaux se fassent si tardivement alors qu'ils auraient pu être réalisés plus tôt, regrette Denis Benoit. En conséquence, les collectivités ont perdu de nombreuses subventions, l'intercommunalité perd par exemple 100 000 euros par an que lui versait l'État au titre de la prime à l'épuration. »
À Piégros la Clastre, le projet de relier le hameau des Bernards au réseau d'assainissement est aujourd'hui en pause : « Nous pouvions prétendre à 155 000 euros d'aides, mais la non-conformité du système d'assainissement nous en prive », regrette Gilles Magnon, maire de la commune. À Divajeu, les travaux visant à relier le hameau des Porterons au réseau d'assainissement sont aussi en suspens. Une subvention de 80 000 euros, promise par l'État, n'est en effet jamais arrivée, à cause, une fois encore, de ce problème récurrent de non-conformité.
Martin Chouraqui
Article publié dans Le Crestois du 13 novembre 2020