«La Tour n'est pas le plus haut donjon de France »
Le mythe est tombé dans le dernier ouvrage de Claude Huot et Robert Serre.
Dans La Tour, des pierres et des hommes, étude historique et architecturale de 350 pages sur la Tour de Crest, le couperet tombe : «Non, la tour de Crest n’est pas le plus haut donjon de France, affirme avec autorité Claude Huot, c’est le Donjon de Vincennes».
Il les a lui-même mesurés avec un repère commun, c’est à dire du bas de la cave, jusqu’au point le plus haut. Vincennes est à 55 mètres quand Crest est à 52 mètres. Elle était néanmoins plus haute avant le démontage du toit de la tour vieille, en 1753. Mais de toutes façons, le plus haut donjon était, jusqu’en 1917, celui de Coucy (Aisne), détruit par les Allemands avec 28 tonnes d’explosifs. Il mesurait 59 mètres.
Le donjon de Vincenne et celui de Crest, à la même échelle. - © J. Mesqui et C. Huot
C’est pour remettre certaines vérités à leurs places que Claude Huot et Robert Serre se sont lancés dans cette aventure titanesque d’écrire un ouvrage le plus exhaustif possible sur notre célèbre donjon (cf. notre article du 11 novembre 2022). « Le marketing, ça me gonfle », s’oppose celui qui rénove le château de Piégros depuis 1969. «Kléber Rossillon (gestionnaire de la Tour, ndlr), met aussi en avant la prison d’État qui n’a existé qu’à partir du17ème siècle. Ils mettent de côté toute la partie médiévale. Le bâtiment est assez original, pas besoin de lui donner des qualités qu’il n’a pas ou plus », s’indigne-t-il.
Grâce à ce livre, il en est aussi fini de l’idée que la Tour aurait des origines romaines. « Il s’agit juste d’une querelle de clochers entre Aouste, qui a des origines romaines, et Crest », explique-t-il. Il détaille : « C’est un feuilletoniste qui en 1841 a eu l’idée de raconter, après un repas bien arrosé, qu’un centurion romain a voulu se fabriquer un territoire. En trois mois, les légionnaires auraient construit la tour vieille, de 40 mètres, car ils maniaient aussi bien la truelle que l’épée ! »
Et puis, les lecteurs découvriront aussi que la Tour a été vendue en 1145 par Arnaud de Crest à l’évêque de Die pour financer sa croisade. Mais à l’époque, vendre un bien, c’était vendre un titre ; Arnaud de Crest devenait ainsi le vassal de l’évêque. C’est comme cela que le fondateur de Crest est devenu connétable de Tripoli (Liban) et que son voisin Guillaume d’Aurel l’a rejoint en 1151.
Cet ouvrage laisse également une belle part à la relation des habitants à la rivière. « La Drôme c’est le diable », s’écriaient certains d’entre eux. Parce que jusqu’à la moitié du 18ème siècle, la rivière arrivait jusqu’à Jourbernon. « Je pense que les écoles sont donc construites sur pilotis », envisage Claude Huot. Le lien étroit entre l’eau et les humains est visible sur une carte des canaux et moulins, publiée dans le livre, ainsi qu’un inédit du plan du pont qui deviendra Mistral bien plus tard. C’est grâce à cette eau dans la ville que Crest s’est développée pour devenir la deuxième plus grande ville du Dauphiné après Vienne. Et c’est pour cela que Claude Huot s’est intéressé de près aux transports, aux routes et à l’influence du mulet, éléments essentiels de l’économie de la ville.
La prochaine ambition de ce féru d’architecture ? « Faire des fouilles sous les fondations de la Tour, pour peut-être découvrir des traces romaines ! »
Laure-Meriem Rouvier
La Tour de Crest, des pierres et des hommes
Édition Piégrâne. Prix : 40 euros.
Disponible en commande ou à partir de début décembre en librairie.
Article publié dans Le Crestois du 25 novembre 2022