«J’invite à réapprendre à observer le ciel ! »
Le Lycée Armorin va accueillir le conférencier Marc Buonomo.
Dans le cadre des Vendredis de l’Université populaire du Val de Drôme (UPVD), Marc Buonomo, professeur d’astronomie à l’université Grenoble Alpes, viendra le vendredi 20 janvier au lycée Armorin afin de donner sa conférence intitulé De deux choses lune… Nos représentations du cosmos.
Passionné par son sujet, grand voyageur ouvert sur le monde, il nous invite à repenser notre vision du cosmos. La lune, le soleil, les constellations zodiacales sont fréquemment représentés au travers d’images artistiques mais également du discours de la science. Ces représentations s’avèrent toutefois éloignées de la réalité et nuisent à la compréhension des mécanismes. Au travers de différents exemples, Marc Buonomo décrit les effets de ces images sur nos représentations mentales et les croyances qu’elles entretiennent pour parvenir à revenir au plus près de la réalité. Cette conférence débutera à 20 heures et durera un peu plus d’une heure.
Le Crestois : Quelles types de représentations du cosmos souhaitez-vous mettre en évidence?
Marc Buonomo : Plusieurs supports représentent l’espace de manière erronée: le cinéma d’animation, le dessin ou la peinture notamment. Je pense particulièrement à la représentation de la lune sur de nombreux tableaux où elle se retrouve dessinée à l’envers, sous des aspects que l’on ne pourrait jamais observer dans la réalité. Ces représentations sont tellement ancrées que même les auteur n’ont pas conscience de se tromper! Par exemple, dans une scène nocturne, il est fréquent de voir une lune visible le matin à la place de la lune du soir. On ne peut pas non plus avoir une bonne appréciation de l’échelle du système solaire et des proportions des planètes lorsque tout ça est représenté sur un support.
Beaucoup de gens veulentils véritablement connaître le cosmos de manière concrète ou préfèrent-ils «rêver» en se contentant d’interprétations biaisées ?
Les gens sont très intéressés. Toutes les missions effectuées par exemple sur Mars ou la Lune suscitent beaucoup d’intérêt et de questionnements. En contrepartie, il est évident qu’il y a un besoin de rêver. Je reste le premier à adhérer à cela et ma conférence n’en fait absolument pas le reproche. Je veux juste interpeller le public sur le fait qu’il peut se retrouver face à une volonté sérieuse de représenter l’espace mais qui n’en reste pas moins erronée. Pour en revenir à la représentation de la Lune, elle est par exemple toujours dessinée à l’envers dans les dessins de Plantu. On la voit également toujours représentée pleine ou en croissant ou pleine mais jamais en quartier. On a également très souvent tendance à représenter la rotation de la Terre autour du soleil sous un schéma elliptique. Les gens croient que c’est justement cette forme d’ellipse qui influe sur les saisons alors que le schéma réel est plus proche d’une forme circulaire.
Cela a toujours été ainsi ou cette tendance est récente ?
Avant on était plus enclin à regarder le ciel, on était beaucoup plus souvent dehors. Certaines cultures continuent toutefois de contempler le ciel. Au Mozambique, par exemple, je me souviens avoir dessiné un cercle sur un papier et dit à un autochtone, «ça c’est la lune», avant qu’il ne me réponde, «non, la lune est dans le ciel». C’est à partir du moment où l’on est passé à l’abstraction que cela a commencé. Cela existe également dans la spiritualité, au sein de l’Islam par exemple. Je me souviens, dans des pays comme le Mali, avoir rencontré de très bons physiciens, très au fait sur le sujet mais qui, en période de Ramadan, avaient une approche complètement différente de la Lune. Dans nos société, on peut retrouver des faits similaires. Beaucoup de gens sont angoissés par le cosmos, si vaste que l’on se sent extrêmement petit. Il y a une vraie crainte de regarder le ciel car il donne une impression de perte dans l’immensité. Dans ma conférence, J’invite à réapprendre à observer le ciel.
Les explorations actuelles de l’espace aident-elles à mieux comprendre le cosmos ? La communication vous semble-elle suffisamment fiable ?
Je ne pense pas qu’il y ait une forme de déformation voire de censure. Il y a juste un obstacle scientifique pour les gens. Tous cela est réalisé par des mathématiciens et physiciens compétents mais il y une évidente nécessité de vulgariser les choses, de les expliquer de manière simple afin qu’elles puissent être appréhendées par des personnes n’ayant pas les outils pour les comprendre et se les représenter. Cette méconnaissance peut parfois déformer les informations. Concernant les trous noirs par exemple: on voit tous les mois des publications de photos de ce phénomène dans les revues scientifiques, alors qu’il ne s’en échappe aucune lumière... Il ne peut donc pas y avoir de photo! Ce qui apparaît sur ces clichés est ce qu’il se passe autour des trous noirs. Le trou noir est juste une équation mathématique.
Propos recueillis par Aurélien Charle
Article publié dans Le Crestois du 13 janvier 2023