Au revoir aux arbres
Trois platanes malades vont bientôt être abattus à Piégros-la-Clastre. Un groupe d’habitantes et d’habitants, qui ne voulaient pas rentrer un soir pour découvrir la place du village amputée, a organisé un hommage pour eux, le mardi 7 novembre au soir. Pour l’occasion, les platanes ont reçu un habit éphémère de lumières et de mots ; un tronçon de platane a également été exposé donnant à voir son coeur et la naissance de ses branches.
Ces platanes, sans doute centenaires, ont été les témoins, comme le disait Samuel Bonnefoi, paysagiste, de bien des événements du village : noces, baptêmes, enterrements, fêtes de village, inondation, concerts, vogues et marchés... Et comme l’a rappelé Rémi, prêtre, lors de sa bénédiction, « nombreux parmi vous ont profité de l’ombre de ces arbres, les oiseaux aussi, les chats, les chevaux. Créatures de Dieu, ils méritent qu’on les remercie. » Ces arbres ont en effet ralenti la chute de la pluie au sol, offert généreusement leur ombre, fabriqué de l’oxygène, capté des poussières, du carbone, des polluants, pour purifier l’air ambiant. Ce patrimoine végétal, c’est un peu comme trois amis malades qui disparaissent.
Au cours de cette cérémonie très simple, certaines personnes ont affiché un poème ou un texte, d’autres ont chanté, une autre avait préparé un collage, un autre a lu le Plaidoyer pour l’arbre de Francis Hallé, plusieurs ont déposé des bougies, fait brûler de l’encens. La cérémonie a pris fin après quelques notes de clarinette qui ont permis à chacun un temps plus intime. La trentaine de participants a ensuite pris un verre pour prolonger de façon moins formelle la cérémonie et bavarder.
Ce temps a également permis d’expliquer aux curieux pourquoi les arbres étaient abattus. Devenus dangereux, selon un double diagnostic réalisé l’an dernier, ces arbres ont souffert, au fil des ans, d’attaques biologiques, de tailles malencontreuses, de travaux de voirie peu respectueux de leurs racines, et autres erreurs humaines. Et cela a favorisé la propagation de maladies fongiques. Implantés ailleurs, ils auraient peut-être pu mourir tranquillement. Mais ils sont en bord de départementale, et donc très près de la route et des humains. Une chute de branche pourrait avoir des conséquences humaines terribles. La décision a été difficile pour le maire, Gilles Magnon, et son équipe municipale, mais la sécurité publique a primé. M. le Maire s’est donc résigné à l’abattage et l’a annoncé publiquement en octobre dernier.
Cette cérémonie inhabituelle d’au-revoir s’est déroulée dans le calme et le recueillement. Prochaine étape, mercredi 15 novembre, les arbres seront coupés sans être dessouchés. Et, comme l’a précisé Guillaume Maurin, l’un des coorganisateurs, si les troncs sont en assez bon état, ils seront conservés, le temps de déterminer comment les transformer et, peut-être, leur offrir une deuxième vie. Toutes les idées, propositions et financements sont bienvenus.
Frédérique Armantine
Article publié dans Le Crestois du 10 novembre 2023