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Les difficultés pour pouvoir raconter des histoires vraies

La fête du Crestois a débuté par une table ronde où il était question d’indépendance et de presse locale...

« Comment rester journaliste indépendant quand on couvre le territoire où l’on vit ? ». Tel était le thème de la table ronde qui s’est déroulée le samedi 25 mai, salle Coloriage à Crest, organisée dans le cadre de la fête anniversaire de la reprise du Crestois, co-organisée par l’association Les Amis du Crestois et le journal lui-même.

C’est Clément Chassot, rédacteur en chef de l’hebdomadaire, qui a animé ce débat qui comptait trois invités : Sylvaine Laborde-Castex, journaliste depuis plus de vingt ans au Journal du Diois, Laure-Meriem Rouvier, journaliste et gérante du Crestois et Bernard Courtial, correspondant de longue date à Allex pour le Crestois.

Les intervenants ont éclairé certains enjeux d’indépendance. Tout d’abord, celle du journal, qui pourrait être mise en cause par des actionnaires, la direction ou un annonceur publicitaire. « La ligne éditoriale du Crestois ne s’autocensurera pas à cause d’un annonceur », annonce clairement Laure-Meriem Rouvier, parce que les recettes du journal ne reposent pas sur un annonceur principal. De plus, les journalistes du Crestois sont désormais associés au sein d’une scop (société coopérative de production), ils sont donc leur propre patron et « actionnaire ». Cela garantit leur indépendance vis-à-vis de l’extérieur et constitue un nouveau métier qu’ils apprennent, pas à pas, depuis un an.

À PORTÉE DE CLAQUES

Les intervenants ont aussi exposé les difficultés auxquelles ils sont confrontés. La première, c’est la proximité, le fait d’être « à portée de claques », des lecteurs, des élus… « Parfois, les gens n’assument plus leurs propos quand ils les lisent », dit Sylvaine Laborde-Castex. Elle a ainsi déjà reçu des menaces de mort, et regrette de ne pas avoir porté plainte à l’époque, règle de base de la mise en sécurité. Et pour y faire face, le soutien des collègues et des lecteurs est alors essentiel.

La deuxième grande difficulté, c’est la proximité que chacun peut avoir avec ses sources et qui peut voiler l’objectivité ou la neutralité. Parfois il s’agira de trouver la « juste distance » pour trouver le bon curseur entre proximité et compromission. Savoir être assez près de ses interlocuteurs pour comprendre leurs idées, leurs ambitions, connaître les faits réels mais rester assez loin pour ne pas se faire instrumentaliser. Bernard, par exemple, est catégorique, il refuse d’aller boire un café ou un canon avec un élu qui « veut lui parler politique » mais partage volontiers des moments informels.

Dans d’autres cas, pour éviter le conflit d’intérêt, le journaliste donnera le sujet qu’il a identifié à un collègue qui n’est pas impliqué. Au Journal du Diois, qui ne compte que deux journalistes (et quarante correspondants locaux), Sylvaine Laborde-Castex explique que « se déporter d’un sujet n’est pas facile ». Dans les deux journaux, les papiers « où il y a des baffes à prendre » sont systématiquement pris en charge par les journalistes, pas par les correspondants, pour protéger ces derniers.

SORTIR DE SES CERCLES

Dernière sorte de difficulté, et c’est Clément Chassot qui la soulève, c’est le défi de sortir de ses cercles et réseaux, pour aller à la pêche à l’information dans tous les milieux. « Il faut être dans le respect et l’ouverture, dit Bernard, même quand on n’adhère pas à ce que nous transmet notre interlocuteur. »

Les échanges se sont poursuivis avec la salle qui a débordé de la problématique initiale : quel traitement pour les tribunes des lecteurs ? Qu’est-ce qui a changé pour les salariés et les journalistes depuis la reprise ? Quels liens entre journal et imprimerie? Comment Le Crestois recourt à l’intelligence artificielle et pour quoi faire ? Les aléas de livraison par La Poste, les subventions reçues...

En guise de conclusion, les journalistes ont rappelé que le journal n’existait pas sans ses lecteurs. Alors si ces derniers veulent soutenir le journalisme indépendant, gage de démocratie, et la presse écrite, ils peuvent maintenir leur confiance au journal et à ses journalistes, acheter et faire acheter le journal, ou encore faire un don. C’est le « prix à payer » pour pouvoir continuer à lire des histoires vraies près de chez soi, pour que « le Crestois [reste] un phare dans la vallée », comme le disait l’ancien gérant de l’historique entreprise familiale, Jean-Baptiste Bourde.

Frédérique Armantine

Article publié dans Le Crestois du 31 mai 2024

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