
125 ans et pas une ride ?
Le Crestois fête son anniversaire. Retour express sur son histoire récente...
C’était au début du mois de mai 1900. Ou peut-être à la fin du mois d’avril. Nous n’en sommes plus vraiment sûrs… Il faut dire que la toute première édition du Crestois n’est pas datée : c’est un « spécimen », probablement publié le samedi 28 avril 1900. Une grande feuille recto-verso dans laquelle le fondateur du journal, Joseph Bruyère, dit Salem, annonce l’arrivée, le samedi 5 mai suivant, du « premier » numéro du Crestois (qui sera donc, en réalité, le deuxième… Vous suivez ?).
Que de chemin parcouru, 6 495 numéros plus tard ! Un grand écart, pourrait-on dire, entre la ligne catholique traditionaliste impulsée par Joseph Bruyère en 1900, et celle, humaniste, initiée par ses successeurs, qui trouvera son aboutissement à la fin des années 1970, sous plume de Claude Bourde, l’ancien directeur du journal, et dont l’actuelle équipe est l’héritière (retrouvez ici l'historique détaillé du Crestois).
Un nouvel équipage qui s’est retrouvé à la manœuvre dans des conditions difficiles, en l’an de grâce 2023. Rappelez-vous : le journal et l’imprimerie du Crestois, affrontant années après années des crises de plus en plus dures, se retrouvent placés, au printemps, sous la « protection » du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère, menacés d’une liquidation pure et simple. Dans l’urgence, des salarié·es du journal, des correspondant·es et des ami·es du journal, soutenus par Jean-Baptiste Bourde, à l’époque directeur de l’entreprise, lancent en toute hâte une opération de sauvetage du Crestois.
En deux temps trois mouvements, la Scop Le Crestois est constituée et dépose une offre d’achat du journal devant le tribunal de commerce. Quatre associé·es salarié·es, un associé extérieur (le Fonds pour une presse libre), d’importants financements levés, un puissant soutien de la population, la constitution de l’association des Amis du Crestois, forte de plus de 600 adhérents… Autant d’éléments qui convaincront le tribunal de commerce et permettront le sauvetage du journal. Mais qui n’empêcheront pas la liquidation de l’Imprimerie du Crestois qui, démantelée, verra ses machines exportées vers le Maroc. Deux ans plus tard, le nombre incalculable de personnes qui persistent à frapper à notre porte pour accéder à des services d’imprimerie démontre à quel point cette disparition a été préjudiciable pour notre territoire…
Quoi qu’il en soit, le 14 juillet 2023, le journal “nouvelle formule“ reparaît ? reparaît. Ce sont désormais les ouvriers de la Scop SMP, basée à Vitrolles (13), qui se chargent de l’impression du Crestois sur leurs gigantesques presses rotatives.
UN CANARD SUR LE FEU
Nous sommes alors sept salariés (pour 6,5 équivalents temps plein) : une journaliste gérante, un rédacteur en chef, un secrétaire de rédaction, un journaliste rédacteur, un responsable de la publicité, un éditeur-webmaster et une administratrice. À cette équipe fixe s’ajoutent des journalistes et éditeurs pigistes parfois appelés en renforts. Sans compter les innombrables ami·es du journal toujours à nos côtés pour nous donner petits et grands coups de main (125 fois merci !).
À l’été 2023, Le Crestois repart donc sur les chapeaux de roues et se donne des objectifs ambitieux. Un peu trop, peut-être… Aussi, un an plus tard, au début de l’été 2024, nous sommes rattrapés par la réalité : nos dépenses sont toujours supérieures à nos recettes et, petit à petit, nous voyons ressurgir la menace qui, depuis une trentaine d’années, planait sur Le Crestois et, plus largement, sur les petits titres de presse indépendants : des coûts de production exorbitants (principalement l’impression du journal et les salaires) et des recettes limitées. L’équilibre n’y est pas.
Pourtant, la Scop Le Crestois n’a pas à rougir de ses résultats : en multipliant ses sources de revenus (les abonnements papier et numérique, la vente au numéro, la publicité, les annonces légales, les petites annonces, les dons, quelques subventions…), elle parvient à générer un chiffre d’affaires honorable, de 345 000 euros par an. Pas assez cependant pour couvrir ses dépenses… Début juillet 2024, notre administratrice est formelle : il faut réduire la voilure (baisser les coûts) – ou augmenter les recettes – sous peine de devoir, rapidement, mettre la clé sous la porte.
Nous n’avons d’autres choix que de nous réorganiser en urgence, alors que peu d’options s’offrent à nous. Nous décidons d’activer deux leviers : une diminution de la pagination du journal, qui nous permet d’importantes économies, et une réduction de la masse salariale.
La transition est humainement éprouvante mais, au fil des semaines, les résultats sont là : l’hémorragie est jugulée, Le Crestois dispose d’un peu de répit. Outre les effets immédiats de cette réorganisation, le journal bénéficie de vents favorables. À l’automne, porté par l’énergie des Amis du Crestois, le Garage des arts rencontre un succès fou. Cette exposition-vente d’œuvres d’art au profit du journal lui permet d’encaisser 11 000 euros ! Dans la foulée, le ministère de la Culture nous accorde une subvention de 14 000 euros au titre du Fond de soutien aux médias d’information sociale de proximité.
ÉQUILIBRE PRÉCAIRE
Ces deux nouvelles sont excellentes, mais insuffisantes : nous ne pouvons pas nous reposer sur des opérations « exceptionnelles » comme le Garage des arts, ou sur des subventions qui risquent de disparaître d’une année sur l’autre, pour atteindre l’équilibre économique recherché.
Nous lançons donc, en octobre 2024, une campagne de recrutement avec l’ « objectif 1 000 abonnés ». Nous les avons frôlés en février dernier (963 abonnés), mais le chiffre diminue lentement depuis pour atteindre, en cette 6 495e édition, le total de 944 (nous en comptions 873 lors de la reprise, en 2023). Encore une fois, nous n’avons pas à en rougir. Ce chiffre est à mettre en regard de notre bassin de population (environ 35 000), de nos ventes au numéro (1 100 en moyenne chaque semaine) et de nos 250 abonnés numériques.
Quoi qu’il en soit, nous n’y sommes pas encore, et vous comprenez bien, en lisant ces lignes, que notre équilibre est précaire… Alors si vous hésitiez encore, si vous n’avez pas d’idée de cadeau pour la fête des mères, pour l’anniversaire de vos parents, de vos grands-parents, de vos enfants, de vos amis ou de qui que ce soit, c’est le moment de prendre un abonnement !
Nous travaillons par ailleurs au développement d’un nouveau site Internet pour Le Crestois. Un travail titanesque dont nous avions sans doute, à la reprise du journal, sous-estimé l’ampleur… Mais lecteurs et lectrices du Crestois numérique, soyez rassuré·es, le chantier et bien engagé et nous vous en reparlerons très bientôt !
Encore merci à toutes les personnes qui nous soutiennent et qui, on l’espère, nous soutiendront encore pour les 125 prochaines années !
La Scop Le Crestois
Article publié dans le Crestois du vendredi 9 mai 2025