Manifeste du Crestois
Nous, associé·es et salarié·es de la Scop le Crestois, ne pouvons nous résoudre à regarder notre vallée et notre pays sombrer dans des divisions toujours plus profondes et douloureuses.
Des divisions qui, si elles venaient à s’amplifier, ne pourraient nous mener qu’au pire. Dans la droite ligne de nos prédécesseurs, nous souhaitons au contraire œuvrer au rapprochement des consciences par la promotion du dialogue et de l’échange, dans un esprit de tolérance et d’ouverture. Des valeurs qui, aussi, animent chaque jour notre territoire.
Nous croyons dans les vertus d’un débat public apaisé et pluriel, indispensable à l’exercice d’une citoyenneté éclairée et au bon fonctionnement de notre vie démocratique. Seul un dialogue sincère, humble et respectueux nous permettra de retisser, tous ensemble, les liens qui fondent notre humanité commune.
Mais il est aussi de saines colères. Comment, d’ailleurs, aujourd’hui, pourrait-on feindre d’en ignorer les causes ? Inflation galopante, explosion du nombre de travailleurs et de travailleuses pauvres, chômage de masse, appauvrissement généralisé du monde paysan, déliquescence de nos services publics, gaspillage, parfois, de notre argent public, inégalité devant l’impôt… Sans compter l’indifférence et le mépris avec lesquels, trop souvent, nos « élites » considèrent les milieux populaires et ruraux. Cette colère, nous avons, au Crestois, mille et une raisons de la partager.
Mais s’il est des colères saines, elles ne sauraient pour autant nous conduire sur les chemins de la haine. Ne cédons rien à la haine. Nous avons mieux à faire. Nous n’avons d’ailleurs pas le choix. Comment, sans s’y affairer tous ensemble, pourrons-nous affronter les défis inédits qui nous attendent ?
La guerre est aux portes de l’Europe. Le bruit des bombes résonnent à l’autre bout de la Méditerranée. Les morts s’amoncellent à un rythme terrifiant. Partout, le monde s’effondre sous notre regard effaré. Inondations monstres, feux de forêts gigantesques et autres catastrophes naturelles sont devenus monnaie courante. Nous ne pouvons plus fermer les yeux et demeurer les bras ballants face aux désastres qu’annoncent le bouleversement climatique en cours et l’effondrement de la biodiversité. Encore une fois, la situation nous somme de nous tenir ensemble.
Le chemin qui s’offre à nous suit une ligne de crête. L’abîme menace. Ne cédons ni au désespoir, ni au fatalisme. Ne cherchons pas non plus de boucs émissaires. Tout le monde dans la vallée n’est pas fait du même bois, ne partage pas les mêmes origines, les mêmes aspirations. C’est aussi ce qui fait sa richesse. Nous n’avons d’autre choix que d’agir ensemble pour maintenir ouverte la voie de l’espoir. Inspirons-nous, encore une fois, du courage de nos aîné·es : nous célébrons cette année les 80 ans de la lutte victorieuse au cours de laquelle ils durent dépasser leurs différences – elles auraient pu paraître insurmontables ! – pour affronter, ensemble, une adversité absolument effroyable et bâtir le monde dans lequel nous avons aujourd’hui la chance de vivre.
Ne nous laissons pas aller à la facilité de l’égoïsme. N’abandonnons pas ce monde à la ruine. Nous n’avons pas peur.
La Scop Le Crestois
Article publié dans Le Crestois du 12 juillet 2024