Rue Franklin, un roman d’Éric Henry
Une découverte littéraire épatante, sortie toute chaude des presses du Crestois (2021).
Nous sommes dans les années 1960, les premiers HLM, les familles nombreuses, les patrons industriels paternalistes, le racisme, l’alcool qui fait des ravages et le féminisme qui prend forme doucement… Le jeune Frédéric, 10 ans, enfant unique, emménage dans un appartement rue Franklin, HLM d’entreprise à Valence. Les premières découvertes passées : voisinage bruyant, odeurs nouvelles, langues bizarres, bagarres et révoltes, méfiance et préjugés, bref, tout ce qui fait l’époque... C’est que la famille du jeune Frédéric fait sa place à force de petites humiliations et de grandes fiertés, car l’enfant unique a un vrai ballon de foot et une grande maîtrise au pied.
Le roman commence comme une « guerre des boutons », un rythme littéraire que l’auteur ne quittera plus : phrases courtes, dialogues à la Audiard très imagés, d’une justesse et d’une sensibilité qui touchent dès les premières pages.
Tout au long du roman, nous sommes entraînés dans cette époque des sixties que beaucoup ont connue et où se retrouveront de nombreux lecteurs. D’autant que l’histoire se passe dans la banlieue de Valence. À chaque page, l’évocation des situations et des échanges amène un dialogue comique. À chaque chapitre, une intense émotion et un humour cinglant.
J’ai, pour ma part, dévoré ce livre et apprécié tout particulièrement les tirades sur l’alcoolisme, la mère qui se libère tout à coup de ses préjugés, le racisme et le patron justicier qui tente de régler les conflits entre communautés : Arméniens-Français, quartier des blouses blanches et quartier des « bleus » aux doigts noircis de graisse…
Tout au long du récit, on a l’impression que l’humanité d’aujourd’hui est née dans les années 1960. On peut mesurer ce qu’il reste de ce temps où l’on avait tout à découvrir : la société de consommation et l’immigration, les petits plaisirs du dimanche et les grands drames familiaux. Mais comme on dit aujourd’hui : « À l’époque on ne savait pas et on n’avait pas tout ça… »
Ce récit est écrit comme un film. Chaque page fait défiler des images à l’éclat de rire garanti avec un frisson d’émotion. L’auteur est sans aucun doute un excellent parolier, un cinéaste, un humaniste et probablement un « grand écrivain ». Car ce livre est son premier.
Chantal B.
Points de vente : Librairie La Balançoire, à Crest ; Librairie Notre Temps, à Valence ; Librairie Ecriture, à Chabeuil ; Librairie Libertexte, à Marsanne.
Article publié dans Le Crestois du 1er octobre 2021