Le Sourire, première BD de Nathalie Silva
La saounienne a a mis au service de son récit un graphisme clair et lumineux porté par un palette chatoyante.
Désormais classée comme le "neuvième art", la bande dessinée constitue un univers à part dans celui, plus vaste, de la littérature. Codifiée, dès le début du XIXème siècle par des dessinateurs précurseurs, comme le suisse Töpffer, elle a évolué dans de nombreuses directions, de la "Ligne claire" de l’école belge aux "Fumetti" italiens, des "Mangas" japonais aux "Comics" américains.
Une seule dimension fut longtemps à la traîne : la "bande dessinée féminine", aussi bien au niveau des dessinatrices qu’à celui des personnages. Jusqu’à très récemment, les lecteurs ne connaissaient que Claire Brétecher et Florence Cestac (les deux seules femmes primées à Angoulème en 48 ans !) et Bécassine et la Castafiore comme héroïnes. Difficile pour une lectrice de s’identifier et le genre n’avait, d’ailleurs, quasiment que des lecteurs. Comme le disait avec humour la dessinatrice Catel : « Moi, dans Tintin, je préférais m’identifier à Milou qu’à la Castafiore ».
Alors, les autrices se sont révoltées en créant le Prix Artémisia, en 2008, qui chaque année récompense une ou plusieurs dessinatrices. Jusqu’à ce qu’un prix spécifique ne soit plus nécessaire, comme pour tous les autres grands prix littéraires.
TRAVAIL À L’AQUARELLE
C’est dans ce monde, toujours un tantinet machiste mais en pleine évolution qu’a décidé de se lancer Nathalie Silva, qui habite à Saoû depuis bientôt 30 ans.
Passionnée de dessin, elle n’a pas hésité à suivre des cours sur le tard pour progresser dans son art. Puis lui est venue l’envie de raconter une histoire sur la longueur et la bande dessinée lui est clairement apparue comme le juste moyen d’expression. Mais là, elle avait tout à apprendre tant la technique du 9ème art est particulière même pour une lectrice passionnée (comme son mari, d’ailleurs, bédéphile notoire).
Notre néophyte a vite compris que la base d’un bon album, c’était une bonne histoire. Le déclic a eu lieu, de bien surprenante façon, lors d’un voyage en train, assise en face d’une personne au visage étrange. De là est née cette histoire de chirurgie esthétique, de visage toujours souriant, de personnalité qui se transforme et se cherche, de bouleversements dans la vie professionnelle et affective et d’étonnant voyage initiatique à travers un Japon multiple.
Nathalie Silva a mis au service de son récit un graphisme clair et lumineux porté par un palette chatoyante. Attention, elle ne travaille qu’à l’aquarelle, bien loin des images numériques qui envahissent trop souvent les bacs des bédéthèques !
ÉLÉGANCE ET SOBRIÉTÉ
Il a fallu évoluer pour adapter sa peinture aux contraintes de la bande dessinée puis oser montrer son travail à quelques professionnels, vite devenus des amis, comme la talentueuse lyonnaise Karinka ou comme Patrick Thuderoz, un des piliers de la BD en Rhône-Alpes. Avec gentillesse, mais sans concessions, ils l’ont accompagnée de leurs conseils jusque dans le complexe travail avec un imprimeur. Pour l’éditeur, ce fut plus facile du fait des liens d’amitié avec les Editions de la Galipotte à Saoû, très investies dans le monde de la BD mais pour qui ce fut aussi un premier passage à l’acte.
Et voilà Nathalie très émue de tenir en mains son premier album intitulé Le Sourire à la couverture d’une douceur touchante. Petit ouvrage de 30 pages, sobre et élégant, que notre débutante ne vend, modestement, que 13 € parce qu’il faut bien débuter. Oui, débuter, car les belles émotions qu’elle a connues et toutes ces petites hésitations de néophyte lui ont d’ores et déjà donné l’envie de poursuivre l’aventure, ce à quoi nous ne pouvons que l’encourager vivement tant son talent est évident et son univers inspirant.
Et pourquoi ne rentrerait-elle pas en compétition pour le prochain prix Artémisia ?
Bernard Foray-Roux
Le Sourire, de Nathalie Silva, 30 pages, Editions de la Galipotte, 13 €.
En vente à la maison d’éditions : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. (8 impasse des Auches, 26400 Saoû) et dans quelques librairies amies.
Article publié dans Le Crestois du 11 février 2022
Nathalie Silva sera en dédicace à l’Épicerie de Saoû le samedi 19 février de 10h à 12h30.