Les Seigneurs de la Terre s’achèvent dans la vallée
Fabien Rodhain, auteur grânois de bande dessinée, a entrepris cette saga en six épisodes il y a huit ans...
Ce mercredi 23 février est un grand jour pour l’écrivain Fabien Rodhain, installé depuis quatre ans dans une maison du village de Grâne, avec une vue imprenable sur la vallée... Il vient de sortir Résilience, le sixième et dernier tome de la série BD Les seigneurs de la Terre. Un dernier mot, un dernier point et la fin de huit ans de partage avec ses personnages.
C’est assis devant la cheminée, feuilletant le dernier opus des Seigneurs de la Terre, que l’auteur parle de sa série. On sent en lui ce besoin de questionner, de faire réfléchir.
Fabien Rodhain arrive du nord de la France et s’est installé sur un territoire qu’il affectionne tout particulièrement et qui lui offre tant de sujets sur la terre, celle que l’on cultive, celle qui nourrit les hommes, maltraitée au profit de grands industriels... Le bio, une affaire de gros sous… une affaire d’hommes.
C’est aussi avec toute son émotion qu’il décrit ce dernier tome : « Je suis habité par Florian, mon personnage central qui promène ses idées et les lecteurs au fil du temps ». Le premier tome est sorti en 2016 et, déjà à ce moment- là, l’auteur s’était décidé à mettre fin à ses aventures après cinq ou six tomes : « J’avais décrété que je voulais arrêter proprement car je suis fan de BD et, parfois, il n’y a jamais de fin et je suis en souffrance », précise- t-il.
C’est donc fini. Florian est grisonnant en fin d’histoire et il laisse une question, « il y a bio et bio ». Car c’est toute l’histoire de ce jeune avocat qui laisse sa robe pour la terre. Dans les deux premiers tomes, Florian se confronte à son père, agriculteur conventionnel. Dans les deux derniers, il vit le même type d’échange avec sa fille qui souhaite s’installer et faire évoluer la culture bio vers un produit plus naturel, et d’éviter que le bio ne cache un fonctionnement industriel de l’agriculture...
Depuis 1999, Florian et sa famille retournent à la terre, dans un écosystème qui n’est pas prêt pour le bio. Il part ensuite en Inde où il observe des solutions agricoles dont il s’inspire. Ce n’est que durant le tome 5 que l’agriculteur revient sur nos terres, dans la vallée de la Dôme, cette Biovallée chère à Fabien.
RÉSILIENCE
Florian a les cheveux poivre et sel ; sa fille a grandi, et il se pose de nombreuses questions. Dans Résilience, le lecteur découvrira une note de polar... Tout au long de ce dernier opus, le bio est remis en question ; le lobby des grandes firmes, les manipulations… Chaque page incite à tourner la suivante, jusqu’à son installation non loin de Saillans. « Finalement, Florian installe sa ferme en polyculture et élevage, il soigne l’écosystème. Il transmet à sa fille une ferme pédagogique pour accueillir des gens victimes de l’effondrement. La série se termine bien dans un monde qui se complexifie », souligne Fabien.
En bas de la dernière page, le mot est inscrit « FIN ». Dommage… l’album à peine fermé, les visages manquent déjà. Et l’avenir de cette jeune femme pétillante dans la Drôme ? Fabien ne renonce pas à raconter la suite de la vie de cette nouvelle paysanne, « il faut le temps de réfléchir et de se détacher de Florian. Je ne dis pas que je n’écrirai pas, mais pas pour le moment en tout cas », glisse l’auteur... « Je veux, achève-t-il, à travers les planches de la BD, planter les questions, les vraies, et semer des graines de conscience ».
Corinne Lodier
Les seigneurs de la terre, tome 6 : Résilience
Fabien Rodhain et Luc Malisan, colorisé par Aretha Battistutta.
Éditions Glénat (février 2022).
Ne pensez pas que Fabien Rodhain s’arrête en si bon chemin. Le 9 mars sortira la BD Biodynamie, le vin en quête de terroir (ed. Glénat) qui emmènera encore,c’est sûr, le lecteur vers une nouvelle réflexion. Et parti comme il est parti, tombé en amour pour la vallée de la Drôme, c’est également au chocolat qu’il a prêté sa plume, inspiré, entre autres, par les Crestois de Façon chocolat...
Le 4 mai vous retrouverez chez votre libraire Les damnés de l’or brun, qui invitera les lecteurs dans un nouveau combat historique. Il propose un reportage sur l’esclavage moderne autour du chocolat : « A chaque fois que l’on croque un morceau de chocolat, il y a un esclave derrière », assure Fabien Rodhain.
L’histoire démarre en 1820, lorsque le Brésil n’obtient pas son indépendance et que les Brésiliens fuient à Sao Tomé avec des plants de cacaoyers. C’est donc l’histoire humaine de douze frères. La BD se dessine à travers l’exposition universelle de 1878, en France. « Je veux montrer les choses qui détonnent, le commerce triangulaire autour du chocolat, l’esclavage… Et je suis toujours sur le territoire puisque mon dessinateur s’est inspiré de la boutique de Façon chocolat pour illustrer les planches. »
Encore une belle série qui comportera au moins trois tomes. Après, Fabien ne sait toujours pas… Mais il y aura une fin !
Article publié dans Le Crestois du 4 mars 2022
Illustrations : © Éditions Glénat