La Tour, ses pierres et ses humains

Robert Serre et Claude Huot publient un livre exhaustif sur l'un des plus haut Donjon de France.

«Faire quelque chose de presque définitif», a été l’objectif du spécialiste de l’histoire locale, Robert Serre et du propriétaire-rénovateur du château de Piégros, Claude Huot avec l’écriture du livre La Tour de Crest, des pierres et des hommes. À chacun sa partie ! Pour l’amoureux des belles pierres, ce sera l’histoire de la construction de la célèbre Tour et pour le passionné d’histoire, ce sera les biographies des humains qu’ils l’ont traversée.

Dans cet ouvrage de 1,350kg, les lecteurs pourront découvrir une iconographie extrêmement riche où s’enchaînent plans, gravures, photos de détails ou d’ensemble, documents d’archives et graphitis souvent inconnus du grand public. Robert Serre le confirme : «On a utilisé presque toutes les sources possibles. Des gens et des associations qui ont travaillé sérieusement nous ont donné des tuyaux, comme hoteldesinvalides.org, un site qui a répertorié tous les pensionnaires de l’Hôtel des Invalides, depuis 1670 ».

Car, dans ce livre il est montré que les gardiens de cette prison étaient des invalides des guerres de Louis XIV, XV et XVI. Pendant deux siècles, ces estropiés ont été envoyés en Province pour être geôlier en échange «d’une soupe, de pain, d’un abri et d’un peu de paille». « Il étaient bien incapables de courir après les prisonniers », se régale Robert Serre devant ses rangées de livre d’histoire. Et de poursuivre : «Nous nous sommes mutuellement aidés (avec hoteldesinvalides.org, ndlr) car jusqu’à maintenant, personne n’en n’avait dit un mot ».

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Robert Serre, co-auteur du livre avec Claude Huot

DE NOUVELLES DÉCOUVERTES

Une des autres raisons à l’écriture de ce livre, a été aussi « de corriger des conneries », comme l’affirme l’historien amateur. Par exemple, beaucoup pensent que la Tour n’a pas été détruite lors de la démolition du château sous Louis XIII parce que « l’administration de Crest a écrit au roi pour la garder. Mais c’est juste que ça coûtait trop cher », atteste t-il. Il faut savoir que pour détruire le château, toutes les communes voisines ont dû désigner des ouvriers démolisseurs... à la charge du contribuable !

Dans les erreurs à rectifier, se trouve le nombre maximum de prisonniers. À la page 319, est présentée « une liasse des relevés quotidiens d’effectifs par le concierge » qui certifie que le 23 janvier 1851, lors de l’insurrection contre le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, la Tour comptait 457 prisonniers (dont six femmes) contre le nombre de 454 communément admis. À cette même page, est cité le procureur de l’époque, M. Payan. Il pense que « la Tour pourrait à la rigueur loger 250 prisonniers ».

DES TRÉSORS HISTORIQUES

Et puis le livre s’attarde aussi sur des histoires, parfois cocasses, de prisonniers. Qui savait que le père du général Berlier, avait été prisonnier à la Tour ? Ce général s’est illustré dans les campagnes napoléoniennes et la rue qui part de la Halle au blé pour rejoindre la rue Maurice Long à Crest, porte son nom. C’est que le bonhomme, venu de Dijon avait était enfermé par son père (bourgeois dijonnais) via une lettre de cachet, parce qu’ «il devait sûrement dilapider l’argent de la famille. Mais rien n’est certain», soutient Robert Serre. Après deux années d’enfermement, il est relâché mais avec l’obligation de rester dans la ville de Crest. C’est comme cela «qu’il fréquente la bourgeoisie et rencontre sa future épouse, Suzanne Farjon», raconte non sans une certaine ironie ce féru d’histoire locale.

Et des petites histoires, rencontrant la grande histoire, ce livre en est truffé.

Cet ouvrage est aussi l’occasion de découvrir des documents, hors du commun, illustrant une partie de l’histoire de la vallée à travers l’histoire des prisonniers. Est publié par exemple, un certificat d’«enlèvement de la fillette de 20 mois d’une maman protestante pour la baptiser catholique », daté du 2 mai 1681.

Il est plaisant aussi de découvrir en détail, les fameux graphitis, ornant une grande partie des murs de la Tour. Le plus ancien date de 1699. «Il est haut perché, c’est pour cela qu’il n’a pas disparu. Mais pour le voir il faut lever la tête et j’ai dû prendre une échelle pour le prendre en photo», raconte Robert Serre.

Les curieux d’histoire pourront admirer dans ce livre des scènes de dragonnades (ces moments où les dragons du roi terrorisaient les protestants en les forçant à les loger et à satisfaire toutes leurs exigences, ndlr), des caricatures de Louis-Napoléon, des représentations de soldats datant de la Restauration et bien sûr des textes. Un d’entre-eux, transcrit dans le livre est une explication de Jean-Louis Culty, à sa détention. Fugitif après l’insurrection de 1851, il fait part «de sa plus grande indignation » car «sa femme et son fils âgé de trois ans avaient étaient détenus en otage». Il s’est constitué prisonnier le 14 janvier 1852. À côté de son texte, Mme Culty a écrit à sa sortie, ce même jour.

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UNE HISTOIRE DE PIERRE

Mais cette épopée inscrite dans les différents âges de la Tour, ne doit pas faire oublier la partie écrite par Claude Huot qui s’est échiné à produire un travail sur la géographie physique et humaine du territoire depuis le VIIème avant Jésus-Christ. Il explique les conditions de la création du bourg castral (village construits dans une enceinte fortifiée, ndlr) et sa destruction. Pour les férus d’architecture, des plans de la Tour et du bourg sont aussi produits.

Dans ce dense ouvrage, le lecteur découvrira une histoire détaillée de la construction du donjon, de son entretien, de son aménagement et pourra parcourir les pages en s’arrêtant sur des gravures, photos, dessins et autres lithographies de différentes époques.

Mais dans ces 375 pages de recherches, découvertes et connaissances, il reste un point à tendance floue. Robert Serre en témoigne : «Il y a plein de moments où on ne sait pas à qui elle appartenait, car il y eu plein de moments où personne n’en voulait ».

Laure-Meriem Rouvier

Article publié dans Le Crestois du 11 novembre 2022

La Tour de Crest, des pierres et des hommes
Édition Piégrâne. Prix : 40 euros.
Disponible en commande ou à partir de début décembre en librairie.

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