Cher connard

Avec ce roman épistolaire, Virginie Despentes nous livre un hymne à la retenue et au dialogue, aujourd’hui quasiment rayé de notre paysage politique, social et intime.


« Cher connard, j’ai lu ce que tu as publié sur ton compte Insta. Tu es comme un pigeon qui m’aurait chié sur l’épaule en passant. C’est salissant, et très désagréable...». C’est par ces mots que commence l’échange, sur les réseaux sociaux puis par mail, entre deux personnes qu’à priori tout oppose.

Rebecca est une star du cinéma français dont la carrière, passé l’âge de 50 ans, commence à s’essouffler. Autrefois adulée car considérée comme beauté fatale, elle pallie aujourd’hui la raréfaction des propositions de film par des combats féministes.

Oscar, imbu de lui-même, est un écrivain à succès en perte de vitesse, englué dans les révélations de harcèlements sexuels subis par une jeune stagiaire de sa maison d’édition.

Ces deux quinquas ont donc toutes les raisons de se détester, d’où la violence des propos de Rebecca dans sa réponse à une publication irréfléchie d’Oscar sur Instagram. Blessé, ce dernier se sentira obligé de se justifier.

Ainsi commence une relation épistolaire qui va durer plusieurs mois, alors que le monde s’apprête à vivre la plus grosse crise sanitaire de son histoire. Au début explosifs, leurs échanges vont peu à peu devenir plus constructifs. Les deux protagonistes passent en revue toutes sortes de sujets, des plus graves aux plus légers : l’enfance, #Metoo, le viol, la prostitution, les addictions, le rap, la violence des réseaux sociaux, la répression policière, le confinement... Ils en arrivent aussi, peu à peu, par se confier mutuellement leurs secrets les plus intimes. Et contre toute attente, ils vont finir par (un peu) se comprendre.

Avec ce roman, Virginie Despentes, l’auteure de “Baise moi” et “Vernon Subutex”, nous livre un hymne à la retenue et au dialogue, aujourd’hui quasiment rayé de notre paysage politique, social et intime. Elle dresse un portrait au vitriol de notre société contemporaine, n’épargnant absolument personne. Elle interroge aussi ce qui reste du féminisme et plus largement de la rebellion, mais aussi de la fête, de l’amour, de la vie.

Un roman décapant.

Philippe Multeau

Article publié dans Le Crestois du 13 janvier 2023

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