Cobonne, un village dauphinois à la fin de l’Ancien Régime
Dans un ouvrage, Jean-Michel Gascoin nous offre un portrait de Cobonne sous l’Ancien Régime (entre 1730 et 1790), basé sur des documents anciens et une riche bibliographie.
Installé depuis 1972 avec sa femme et ses enfants dans une ferme à Cobonne, l’ancien professeur d’anglais au Lycée Armorin, reconverti en éleveur, nous propose un plongeon dans le passé de sa commune.
Cobonne, un village dauphinois à la fin de l’Ancien Régime, est un tableau inédit de la commune avec, pour trame, le cadre historique et institutionnel précédant la Révolution française.
Le Crestois : Comment est né ce livre ?
Jean-Michel Gascoin : Il y a une succession de hasards. Il y avait une famille qui venait l’été : un journaliste au quotidien Le Monde, M. Roland Delcour, avec sa femme et leurs deux enfants. Des ados qui, une partie de leur temps, jouaient dans les ruines du village. Dans une des maisons, ils ont découvert des manuscrits et ont compris qu’il fallait les conserver.
Il y avait quatre manuscrits parfaitement inconnus datant de la période de l’Ancien Régime. Je me suis alors servi de ces documents, des archives départementales que sont : les Réponses au questionnaire de la commission intermédiaire (1789) ; les Registres paroissiaux (de décembre 1732 à décembre 1750, moins l’année 1735, puis d’avril 1768 à novembre 1792) ; les Registres protestants aussi appelés Registres du Désert (pour Cobonne de 1752 à 1789) et le Livre de paroisse (1869). À partir de l’ensemble des documents, privés, publics, et en croisant les renseignements qu’ils apportaient concernant le village de Cobonne, j’ai essayé de résoudre un puzzle.
Quand est-ce que vous vous êtes dit que vous pouviez le résoudre et en écrire un livre ?
Je n’ai pas eu tout de suite l’idée d’écrire un livre. C’est sans doute ma formation en histoire qui m’a amené à m’intéresser à ces archives, je sais déchiffrer. Puis, en me rendant compte qu’il y avait ces archives familiales disponibles, je me suis dit qu’il fallait aller voir les archives numérisées du département. Circonstance imprévue, le Covid et le confinement se sont imposés à nous. J’ai eu alors beaucoup de temps pour écrire, d’autant plus que je suis à la retraite.
Quelle était la place de la religion à Cobonne sous l’Ancien Régime ?
Si on se contente de lire les commentaires du curé de l’époque, on se dit que ce qu’il dit est une retranscription de ce que les habitants vivent. En réalité, ce n’est pas du tout le cas. Avec les archives, on comprend que les habitants du village, entre protestants et catholiques, vivent en bonne entente. C’est simplement l’époque et les interdits royaux qui biaisent ce rapport ; or il y a une coexistence plus que pacifique à Cobonne. Pour autant, il ne fallait pas imaginer qu’un catholique épouse une protestante. Cela va rester ainsi jusqu’au début du 20e siècle.
Comment s’organisait l’économie de Cobonne au 18e siècle ?
À cette époque, l’activité était quasi exclusivement l’agriculture. Il y avait très peu de fermes éparses dans la campagne. Les quelque 260 habitants résidaient dans le village lui-même. Tous ces gens-là partaient de chez eux à pied jusqu’aux champs pour cultiver. Les granges étaient proches des parcelles, ce qui, petit à petit, a amené les paysans à construire leur maison à proximité de leur parcelle agricole. Cette évolution dans le bâti s’observe surtout autour de 1820. Pour ce qui est de l’agriculture, tout ce qui est cultivable est cultivé, même en pied de montagne, parce qu’il faut nourrir 260 personnes sur un tout petit territoire. L’essentiel de la production, ce sont des céréales et de la prairie en bas de la vallée pour les brebis et les chèvres.
Vous avez fait un chapitre sur la place des femmes.
Oui, même si elles n’apparaissent pas à cette époque. Statutairement, c’est le mari qui a tous les droits, à partir du moment où elles se marient. Les femmes en revanche sont essentielles parce qu’elles assurent l’éducation des enfants et le domestique en général. Mais elles prennent aussi en charge tout l’élevage des volailles et les vers à soie : c’est cette production qui s’installe en particulier à partir de la fin du 17e siècle et qui va sauver bon nombre de paysans.
Quel regard portez-vous sur le Cobonne contemporain ?
Aujourd’hui la commune a beaucoup changé, en partie grâce à l’association des Amis du vieux Cobonne (qui a tendance à devenir l’association des vieux amis de Cobonne) qui a oeuvré pour la mise en valeur du village. C’est en grande partie grâce à son travail que le village a retrouvé de la splendeur. Il a fallu beaucoup d’années pour que la municipalité prenne conscience de la valeur de son patrimoine. Depuis les rénovations, beaucoup de Cobonnois ont compris qu’il y avait quelque chose à sauver dans la commune. Une partie des membres du vieux Cobonne a intégré le conseil municipal et, peu à peu, le village est devenu attractif. Aujourd’hui c’est un village recherché, avec comme conséquence une augmentation massive des prix de l’immobilier.
Pourquoi avoir choisi le micro- éditeur Pwa plum ?
J’ai rencontré l’éditrice Franswaz Rochette, à la tête de Pwa plum, comme conteuse au cours d’une festivité à Cobonne. Et puis je me suis aperçu, par le biais du Crestois, qu’elle avait sorti un livre. Je me suis alors adressé à elle, on s’est très bien entendu. Franswaz s’est chargée de mettre ensuite des exemplaires en kiosques.
Un mot de conclusion ?
C’est le tome premier et le dernier de mes oeuvres complètes. Il y a beaucoup de documentation sur Cobonne mais, à mon grand âge (83 ans), je ne peux plus passer autant d’heures sur des archives. J’espère que d’autres s’en saisiront.
Propos recueillis par Olorin Maquindus
Article publié dans Le Crestois du 10 mars 2023