Les filles du chasseur d’ours

L’écrivaine suédoise s’est inspirée d’un roman fondateur de la littérature finlandaise : Les sept frères, d’Aleksis Kivi, paru en 1870. Elle s’est demandé ce que ça ferait de placer sept femmes dans cet univers typiquement masculin, où la force, la virilité, la bagarre et la beuverie sont mises à l’honneur. Il en résulte un livre jouissif, plein de rudesse et de poésie, d’humour et de noirceur, dans lequel on trouvera aussi de nombreuses références au Kalevala, épopée nationale écrite au XIXe siècle à partir de poèmes populaires collectés dans les campagnes.

Le huitième personnage de ces deux romans écrits à 150 ans d’intervalle est la nature finlandaise, rude et grandiose, ses hivers impitoyables, ses bêtes sauvages, ses lacs hantés de créatures magiques, ses moustiques harceleurs, ses plantes nourricières, ses bouleaux irréels de finesse se découpant sur les sombres futaies de sapins. Ici, pas de mièvrerie, pas de complaisance. Les héroïnes sont brutes de décoffrage, leur enfance à la trique éblouie par un père légendaire et tyrannique, une mère détruite et destructrice, bref, tout sauf un conte de fées.

L’histoire se passe à l’époque actuelle. Les sept filles suivant l’enseignement de leur père décédé fuient la société et s’enfoncent au plus profond de la forêt pour former un clan vivant en autarcie, hormis leurs descentes aux foires saisonnières de la ville pour vendre les produits de la chasse, les sculptures art brut d’une des sœurs, avec plus ou moins de bonheur.

Jusqu’où doit-on rester fidèle au souvenir de l’être aimé ? Peut-on prendre conscience d’une situation d’emprise quand on est enfant ? Comment la recherche de la liberté totale se transforme en tyrannie ? Comment transmute-t-on chacun à sa façon l’héritage familial ? Pourquoi faut-il toujours qu’il y ait dans un groupe, un·e chef·fe et un·e souffre-douleur sur qui tout le monde se soulage ? Autant de questionnements qui surgissent entre les lignes d’un récit captivant écrit avec beaucoup de style et non dénué d’humour.

Franswaz Rochette

Les filles du chasseur d’ours
Roman d’Anneli Jordhal Éditions
L’Observatoire (2024)

Article publié dans Le Crestois du 2 août 2024

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