Les protestants français en 5 000 notices
Beaucoup de régionaux dans le Dictionnaire biographique qui paraît.
Voici l’accomplissement d’une folle entreprise ! Depuis 2015, les Éditions de Paris, animées par le dynamique Max Chaleil, publient un Dictionnaire biographique des protestants français de 1787 à nos jours. Pourquoi, 1787 ? Parce que le 29 novembre de cette année-là, Louis XVI prit « l’édit de tolérance », autorisant les protestants à vivre librement leur foi. En sorte que cet ouvrage passe en revue celles et ceux qui ont, dès cette date, contribué à construire le protestantisme français par leurs divers talents.
Cela représente, désormais en quatre tomes – un ultime est à venir – pas moins de 5 000 notices pour différentes personnalités – souvent des familles – qui ont paru dignes d’intérêt aux deux auteurs, André Encrevé et Patrick Cabanel. Les deux hommes sont de brillants universitaires, spécialisés dans le protestantisme, dont on ne compte plus les publications. André Encrevé a longtemps dirigé le bulletin de la très respectée Société d’histoire du protestantisme. Patrick Cabanel a beau être dévoué aux Cévennes, il est venu chez nous, exactement à Bourdeaux, trouver matière à une biographie d’Alexis Muston*.
Car, dans les pages de ce dictionnaire, dont l’avant dernier tome paraît ces jours-ci, on trouve bon nombre de personnalités de notre région. Ainsi Jean Cadier, pasteur de Valdrôme, qui contribua à animer l’important mouvement interne au protestantisme connu sous le nom de Réveil ; ainsi son parent, le pasteur de Bourdeaux Gérard Cadier, très engagé dans la vie locale ; ainsi évidemment Marc Boegner, pasteur à Aouste au début de sa carrière qui, devenu, pendant trente-deux ans, président de la Fédération protestante de France, lança une alarme très vive contre le sort réservé aux juifs par le régime de Vichy. Cela n’a pas peu encouragé des protestants à dissimuler des persécutés.
BEAUCOUP DE RÉGIONAUX
Mais se trouve aussi dans ces pages l’oncle du précédent, Tommy Fallot, tout autant pasteur d’Aouste, qui se consacra beaucoup à la question sociale à la fin du XIXe siècle. Il dort, pour l’éternité, dans une propriété de Mirabel-et-Blacons. Se trouvent encore des Latune, des Arnaud, des Archinard, des Barnave, des Courtin, des Mouriquand, chacun selon ses mérites. Et ne disons rien des Monod, gigantesque dynastie – soixante-dix pages du dictionnaire! – dont nous avons connu une petite branche à Crest en la personne du Dr. Thierry Monod. C’est tout simplement monumental !
Pour ceux qui douteraient que les protestants tendent à former des tribus, signalons (au-delà du cas phénoménal des Monod) qu’il n’y a pas moins de seize notices concernant la seule famille Cadier dont, du reste, deux membres, Olivier et Jean-Bernard, sont aujourd’hui nos voisins dieulefitois.
Il serait tout à fait plaisant qu’un brillant ingénieur invente un programme informatique capable d’absorber toutes ces notices et d’établir des liens entre elles. En effet, comme il arrive toujours dans les petites communautés, beaucoup des personnalités citées ont été unies par des mariages, des collaborations ou des amitiés, à d’autres également présentes dans le document. Or, on estime à 2 % le poids des protestants en France, probablement beaucoup plus dans notre région. Et la lecture de ces pages donne l’occasion de sourire aux nombreux liens que les uns ont eu avec les autres.
Jacques Mouriquand
* : On notera que, tout récemment, Jean-Paul Issartel a publié une deuxième biographie d’Alexis Muston qui, au cours de son existence à Bourdeaux, échangea avec Victor Hugo, Lamartine, George Sand, etc.
Article publié dans Le Crestois du 11 octobre 2024