Le cas David Zimmerman

Lucas Harari signe, en bande-dessinée, un thriller initiatique sur la quête d’identité.

Et si vous vous réveilliez un matin dans le corps d’une autre personne ? Votre premier réflexe serait peut-être de vous amuser avec cette nouvelle enveloppe corporelle. C’est en tout cas ce que font la plupart des personnages dans les histoires classiques de « body swap », dispositif narratif courant dans la fiction. Mais dans Le cas David Zimmerman, ce phénomène surnaturel devient le point de départ d’un récit initiatique, le déclencheur d’une réflexion autour de l’identité. Une idée brillante à contre-courant de ce qu’on lit d’habitude.

Sortie le 13 novembre 2024, la troisième bande dessinée de Lucas Harari, Le cas David Zimmerman, raconte l’histoire d’un photographe trentenaire qui se réveille le matin dans le corps de la femme avec qui il a couché la veille. L’œuvre de 360 pages est signée en collaboration avec son frère, Arthur Harari, scénariste du très primé Anatomie d’une chute.

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La question de l’identité au cœur de l’histoire

La première partie de la bande dessinée s’avale comme un polar. Le personnage principal va mener l’enquête pour retrouver la femme qui lui a volé son corps, à l’aide des quelques indices dont il dispose : une photo et une note dans sa poche. Mais plus le récit avance, plus le propos évolue et se transforme en réflexion existentielle. Qu’est-ce qui fait une personne au-delà de son enveloppe charnelle ? « En fait, David ne savait pas trop ce qu’il était et ne le découvre qu’à partir du moment où son identité lui est confisquée », explique Lucas Harari dans une interview à Télérama.

Les désirs, les névroses mais aussi le genre, la religion et l’histoire familiale du personnage sont alors scrutés à la loupe. David Zimmerman est un personnage complexe et mélancolique. Juif, petit-fils de déportés, il est hanté par son passé familial. Le sujet de la judéité occupe d’ailleurs une certaine place dans le récit avec le personnage de la mère, professeure de judaïsme à la Sorbonne. Une question sous-tend leurs échanges : qu’est-ce que cela veut dire d’être rattaché à l’identité juive ?

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Un paysage urbain au réalisme prenant

L’identité du personnage, c’est aussi la réalité dans laquelle il évolue. David habite à Belleville, et ses déambulations dans le quartier sont très fidèlement retranscrites. L’auteur, qui a étudié l’architecture, a pris plaisir à dessiner Paris : les colonnes de la place de la Bastille, les immeubles parisiens ou de banlieue, les gares, le parc des Buttes Chaumont. Mais aussi le côté étouffant de la ville. Les rues de la capitale paraissent d’autant plus authentiques que, sur les murs, on peut voir des collages critiquant des ministres et des graffitis “Free Gaza”.

Finalement, Le cas David Zimmerman est une bande dessinée inattendue, à la fois thriller et récit initiatique, ce qui est parfois déroutant. Le lecteur est happé du début à la fin et le dénouement, complexe et émouvant, nous fait questionner la nature de nos rapports aux autres.

Zoé Multeau

LE CAS DAVID ZIMMERMANN
Roman graphique d’Arthur Harari et Lucas Harari
360 pages – 35 euros – Éditions Sarbacane

Images : © Éditions Sarbacane

Article publié dans Le Crestois du 7 février 2025

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