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Nous sommes confinés depuis fort longtemps

L’épreuve de confinement que nous vivons, pour cause de coronavirus, en dit long sur nos facultés d’oubli. Nous avons perdu le sens de notre propre histoire !

Pendant des siècles, le confinement fut la règle et non la terrible exception que nous avons l’impression de vivre. L’excellent et élégant André Garnier, mémoire du petit village d’Omblèze, racontait à Vidéos Val de Drôme qu’il avait personnellement connu des mois d’hiver où il avait vécu confiné dans son village. Et pour sa plus grande joie ! Point de gendarme, point de garde-champêtre ; on pouvait chasser comme on l’entendait.

Et puisque nous sommes à Omblèze, comment expliquer autrement que par l’isolement (si ce n’est le confinement), le fait qu’il y ait eu plus de 500 habitants à l’époque de la Révolution Française, contre 70 aujourd’hui. C’est que, pour y survivre loin de tout, il fallait que toutes les fonctions nécessaires soient remplies. On y trouvait bien des métiers de l’artisanat, ce qui ne signifie pas que les artisans en cause n’aient pas eu, à côté, des revenus agricoles. En sens inverse, il était plus que fréquent que le paysan lui-même fasse les travaux de maçonnerie ou de charpente pour autant que nécessaire.

LORSQUE CHRISTINE OCKRENT S’EN MÊLE

La séparation des fonctions dans la vie sociale qui nous rend aujourd’hui si dépendants est un phénomène récent. M. Gory, dont les Beaufortois se souviennent comme patron d’une affaire de maçonnerie, racontait à la même équipe de Vidéos Val de Drôme, que les clients qui le sollicitaient participaient parfois aux travaux. Autrement dit : l’entreprise spécialisée venait en complément de la force de travail du client. MM. Garnier et Gory sont, fort heureusement, toujours parmi nous ce qui montre que cela ne renvoie pas à l’époque des dinosaures.

Et puisqu’ici il a été abondamment question de Vidéos Val de Drôme, signalons qu’il y a seulement deux ans, en l’absence de tout coronavirus, elle a failli devoir renoncer à un tournage à Boulc : le mauvais temps en empêchait l’accès, on y était confiné. Il est vrai qu’à Boulc, en matière de confinement on en connaît un rayon puisque le 11 janvier 1994, non loin du hameau de Soubreroche, la route d’accès au village a été recouverte par un effondrement de la montagne.

Grâce soit rendue à Mme. Christine Ockrent, alors présentatrice du journal télévisé, qui "ouvrit " son journal de 20 heures sur le désastre alors que le président de la République de l’époque, François Mitterrand, était en plateau. Comme par hasard, on trouva dans les semaines qui suivirent tout l’argent nécessaire pour créer un magnifique tunnel qui permet aujourd’hui l’accès, lorsque la neige ne s’en mêle pas.

DES SIÈCLES DE CONFINEMENTS

Les historiens seraient tentés d’ajouter à ces exemples l’effondrement du pic de Luc, autour de 1442, qui confina pour des siècles le très haut Diois, interdisant absolument l’accès vers le bassin de Die, notamment du fait de la constitution de deux lacs qui virent… l’apparition de la profession de pêcheur professionnel. On peine à y croire : dans ces hauteurs passablement isolée, le poisson se mit à abonder pour la plus grande joie des Chartreux de Durbon que leur règle monastique privait de viande et qui, par conséquent, étaient des clients réguliers des pêcheurs.

C’est entendu ! Le confinement ici évoqué est le confinement de villages ou de hameaux entiers, non point celui, terrifiant, que nous vivons, condamnés à regarder des séries télévisées sur un canapé. Encore faudrait-il y regarder de plus près, car, puisque c’est de maladie qu’il est question, il faudrait retrouver des traces de la grande peste. Le très regretté Marcel Berthonnier, jadis croque-mort opérant autour de Beaufort-sur-Gervanne et de Suze, aimait à raconter qu’il avait retrouvé dans le cimetière de Suze des sépultures fort anciennes d’enfants, vestiges probables de cette grande peste. Or, il est de notoriété publique qu’au loin de Beaufort demeurent les restes d’une léproserie et il est hautement probable qu’on en trouverait ailleurs dans notre région. Et, pour le coup, les malheureux qui s’y trouvaient étaient confinés comme, fort heureusement, nous ne le serons jamais.

Nous souhaitons aux lecteurs de ce modeste article qu’il y ait, pour la suite de leur journée, un bon programme à la télé.

Jacques Mouriquand

Publié le 6 avril 2020

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