La ville : Enfer ou Paradis ?
Rétro : article paru dans Le Crestois du 22 juin 1968.
L’expansion urbaine est devenue l’un des grands phénomènes de notre époque. Chaque année, cent mille Français de plus «montent» à Paris pour s’y installer définitivement. Des cités comme Tokyo grandissent si vite que l’on n’arrive plus à tenir à jour le compte exact de ses habitants ; mais on peut estimer qu’il approche déjà des 20 millions ! Chiffre effrayant si l’on songe que le philosophe Platon avait calculé que la cité idéale ne devrait pas dépasser 5 000 citoyens.
Pourtant, cet exode de la campagne vers la ville ne peut qu’aller en augmentant puisque la mécanisation de l’agriculture enlève chaque jour à la terre de nouveaux bras. Et les spécialistes pensent que, dans les années à venir, 10 % de cultivateurs seulement pourront assurer les besoins du reste de la collectivité. Mais cette formidable urbanisation, ces fourmillières humaines que sont les grandes cités de l’ère industrielle posent déjà d’énormes problèmes. Problèmes qui ne peuvent être résolus que par une vision audacieuse des choses et des techniques révolutionnaires.
C’est ainsi que le volume de déchets ne cesse d’aumenter. Non seulement les détritus alimentaires mais aussi bouteilles, boîtes de conserve, vieux meubles, gravats. Il n’est plus rare de voir sur le trottoir d’une ville américaine un réfrigérateur inutilisable ou un téléviseur éventré. Ne parlons pas des épaves automobiles. Elles commencent à encombrer de façon très inquiétante les terrains vagues des zones périphériques. Le ramassage et l’élimination de ces « détritus de notre civilisation »coûtent déjà 10 dollars (plus de 5 000 anciens francs) par an à chaque Américain du Nord.
Autre problème grave : l’eau. On se souvient peut-être que, durant l’été 1959, Paris échappa de justesse au régime sec. Mais c’est à New York que la situation est plus préoccupante. Malgré son gigantesque potentiel humain et financier, elle est constamment sous une telle menace.
MENACE PERMANENTE
D’autre part, la progression industrielle et l’amélioration du niveau de vie entraînent une augmentation très sensible des eaux usées. Et, lorsque celles-ci ne sont pas collectées dans des égouts suffisamment modernes (ce qui est souvent le cas), on en arrive à la pollution du sol. Ce qui représente un sérieux danger pour la santé des citadins, du point de vue biologique (en raison de la présence de micro-organismes qui, elles aussi, ont un effet délétère). Mais comment en venir à bout ?
Sûrement pas en utilisant les systèmes d’évacuation individuels tels que les fosses septiques. C’est en effet la méthode la plus souvent employée dans les pays chauds et l’on s’est aperçu qu’elle entraînait un foisonnement d’insectes porteurs de germes. Un seul moyen se révèle donc efficace : la création ou la modernisation des déchets et leur traitement avant de les rejeter dans les cours d’eau.
Un autre danger, aussi grave, aussi insidieux, guette en permanence les habitants des grandes concentrations urbaines : la pollution atmosphérique. Sait-on, par exemple, que l’industrie propage chaque année dans le ciel près de 300 000 substances nouvelles dont on ne connaît absolument pas les effets ? Cette pollution a même pris un caractère dramatique dans certaines villes étrangères. À Los Angeles, lorsque le coefficient de gaz nocifs contenus dans l’air atteint un certain seuil, on fait sonner l’alerte comme pour un bombardement. Pénible spectacle que ces sirènes hurlant leurs appels angoissés dans un ciel de suies.
À Londres, chaque hiver, le brouillard qui empêche l’air de circuler provoque sur l’immense cité de dangereuses concentrations d’air pollué. Mais il faut cependant reconnaître qu’il s’agit là de cas bien particuliers. À Los Angeles, le responsable n° 1, c’est l’énorme complexe pétrochimique. À Londres, le chauffage au charbon de la plupart des habitants.
Mais qu’en est-il à Paris, direz- vous ? Eh bien ! contrairement à ce que l’on pourrait craindre, les mesures prises ces dernières années, notamment en ce qui concerne le chauffage au mazout des immeubles, ont considérablement réduit les risques. Par alilleurs, le degré de pollution est constamment vérifié en quatre cents points différents de la capitale, afin de prévenir tout danger. On va même jusqu’à le mesurer à l’heure de sortie des spectacles !
VOITURES ÉLECTRIQUES
Il reste, bien entendu, le problème de l’automobile. Il est sans doute aussi préoccupant que celui de l’industrie. En effet, des éléments toxiques décelés dans l’air que nous respirons proviennent des voitures. D’autre part, les constructeurs étudient actuellement différents systèmes permettant « d’épurer » les gaz d’échappement.
Enfin, il n’est pas impossible que dans un avenir assez proche la voiture électrique élimine définitivement l’automobile à essence et ses gaz toxiques.
En Grande-Bretagne, plusieurs prototypes ont déjà été essayés dans les grandes villes. En Italie, « l’Urbanina », mini-voiture électrique, doit être construite dans les prochains mois. Chez nous, la régie Renault, en collaboration avec la firme CSF, met la dernière main à une camionenette « Estafette », équipée de piles à combustibles.
Bref, l’automobile électrique semble bien lancée pour la conquêtre de nos rues. Alors, rêvons un instant et imaginons nos villes silencieuses sous un ciel purifié…
Article paru dans Le Crestois du 22 juin 1968