Du champ à l’assiette avec le Gaec Caetera
Pour sa chronique paysanne, Chantal s’est rendue à Vaunaveys dans la ferme de Marie, Laurent et Ludovic...
Un Gaec, ou Groupement agricole d’exploitation en commun, est un statut particulier dans l’agriculture qui permet à plusieurs paysans individuels de se regrouper sur un même espace.
Le Gaec-Caetera est la combinaison de trois agriculteurs, Marie Rivoire, Laurent Marseille et Ludovic Rollat, qui exploitent sept hectares à Vaunaveys-la-Rochette, dont la moitié du terrain est en « rotation des cultures ». Les semences paysannes font la part belle au coeur de leur métier car leurs motivations sont unanimes : reproduction des semences pour aller vers la souveraineté alimentaire et la solidarité.
Marie Rivoire, agricultrice depuis 2001, a d’abord été ouvrière agricole en maraîchage et volailles fermières, avant de s’orienter vers l’encadrement de jeunes des « Jardins de Cocagne ». Cette entreprise d’insertion par l’activité économique lui a permis de mettre le doigt sur un besoin personnel d’installation.
C’est en travaillant chez un agriculteur en conventionnel qu’elle va découvrir, en 2009, ce qu’elle ne veut surtout pas faire. Cette expérience d’agriculture avec force pesticides et entrants divers, sans respect pour la nature ni pour la biodiversité la pousse sur le chemin d’autres rencontres.
Elle tente alors de s’installer à son propre compte dans la Drôme avec l’aide d’un proche déjà installé, et met en place une première Amap, ces association pour le maintien d’une agriculture paysanne, Radi’sel, motivée par la proximité de la consommation légumière : du champ à l’assiette !
Mais comment relier son besoin de solidarité à une nécessité économique ? En 2013, elle rencontre Laurent Marseille, déjà installé et surtout très engagé contre le système économique dominant. Il laissera en partie son travail de technicien du spectacle vivant pour se lancer avec Marie dans l’aventure paysanne à plein temps. L’émulation du travail à plusieurs les pousse à créer une petite société plus équitable et plus solidaire que la grande société paysanne traditionnelle qui pille l’argent de l’Europe et qui pleure sur son surendettement.
GLOIRE AUX VIEUX RADIS !
Puis ce fut au tour de Ludovic Rollat qui montra le bout de son nez en 2016. D’abord ingénieur en informatique à Lyon de 2004 à 2011, et fort d’un voyage de deux années en Australie et en Asie pour collaborer aux travaux agricoles dans divers pays, il revient en 2013 avec l’envie de faire du maraîchage mais aussi du yoga et du shiatsu. En 2014, il a testé la réalité agricole française chez un arboriculteur avant de passer un Brevet Professionnel Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA) à Die, puis un an de salariat chez Xavier Selanie, à la ferme du Bouligat de Montmeyran.
Ludovic comprend alors à quel point les semences paysannes rejoignent ses valeurs. Il s’associe à la fine équipe du Gaec Caetera en 2017 et s’acharne à concilier ses trois activités : culture maraîchère, yoga et shiatsu. Au sein du Gaec, le travail est collectif. Ils ne sont jamais assez de trois pour tout faire et, bien souvent, ils doivent faire appel à des travailleuses et travailleurs saisonniers. Ils se partagent les deux marchés de Crest et deux Amap.
Les ventes rythment les semaines. Le baromètre s’appréhende le nez au vent. Si le tracteur s’embourbe ou montre des signes de faiblesse, il reste les chevaux ou la malice des mécanos de terrain. Ils travaillent environ 2000 heures chacun sur une saison.
Leur trio est très bien accordé. Arroser, désherber, ramasser, charger, décharger, mais aussi préparer le terrain pour les rotations de cultures. La gamme d’hiver fournit un peu moins mais la production peut être stockée en cave, sauf les salades et les poireaux.
L’été, c’est une autre histoire. Les produits sont davantage périssables et le ramassage se fait au jour le jour. Salades, haricots et tomates doivent rester des produits frais.
ON NE BOUDE PAS DANS LES CHAMPS !
Leur crédo est à jamais le même : « L’humain au centre du jardin et le jardin au centre des préoccupations ». Ainsi le Gaec a fourni moult légumes aux épiceries sociales et solidaires de la région mais l’équipe est bien connue aussi pour fournir des légumes aux demandes émanant d’actions ponctuelles : gilets jaunes, soupe populaire, festivités de villages ou de quartiers, etc. A l’occasion ils forment aussi des jeunes motivés par la vie paysanne.
Pourtant, le système économique les rattrape et tente de les obliger à des contorsions auxquelles ils ne sont pas vraiment préparés. Certaines années sont de faibles rapports. La PAC de l’Europe finance très peu les petits maraîchers (1 300 € pour 7 ha).
Avec l’aide de la Confédération Paysanne, ils militent pour que le travail soit davantage valorisé et pour rendre cette si belle terre aux paysans qui savent mieux que personne la cultiver et en prendre soin. Mais qu’on se rassure, le printemps arrive et, bientôt, sur les marchés de Crest, le Gaec diffusera ses godets de plans de légumes pour tous les jardiniers des environs : tomates, courgettes, salades, aubergines etc.
Avec tous les espoirs en eux d’un monde meilleur, Marie, Laurent et Ludovic s’accrochent à leur sens des valeurs et de la solidarité afin de retrouver une place de paysannerie humaine au service de l’humanité.
Chantal B.
Article publié dans Le Crestois du 4 mars 2022