Attention, livre culte ! Publié pour la première fois en 1968, Désert solitaire est le précurseur et quasiment l’ouvrage de référence d’un genre littéraire appelé le Nature Writing. Il a connu aux États-Unis un succès retentissant.

À la fin des années 1950, l’auteur, Edward Abbey, se fait engager comme “ranger” dans une des plus anciennes réserves naturelles américaines : le parc national des Arches, en plein cœur du désert de l’Utah. Dans ce véritable décors de western, vivant de nombreux mois en ermite dans une caravane, il va être subjugué par cette nature grandiose.

Une dizaine d’années plus tard, lorsqu’il y retourne, il constate avec horreur que le progrès est passé par là et que la fréquentation touristique est en train de détruire la magie des lieux. La fragilité de cet éco-système est mise à mal par la volonté des pouvoirs publics de “rentabiliser” cet écrin naturel en le transformant en attraction touristique.

L’auteur se pose alors une question qui, 50 ans plus tard, reste pertinente : quel est le rôle d’un Parc Naturel ? Préserver les lieux ou en faciliter l’accès au grand public ? Les deux missions ne sont-elles pas totalement contradictoires ?

Ce récit envoûtant, véritable chant d’amour à la nature sauvage, est donc également un formidable cri de colère. Heureusement pour nous, Edward Abbey est doté d’un humour féroce et totalement irrévérencieux qui rend la lecture de ce pamphlet enthousiasmante, pour ne pas dire jubilatoire.

Écrit à la fin des années 60, voilà un ouvrage qui s’est révélé incroyablement prémonitoire : il nous invite à regarder d’un autre œil ce qui nous entoure, il nous alerte sur les dégâts de la société industrielle et du tourisme de masse, nous enjoint à limiter notre empreinte carbone, mais surtout, nous encourage à nous abandonner et à contempler cette nature millénaire qui a tant à nous apprendre.

Philippe Multeau

DÉSERT SOLITAIRE
Récit d'Edward Abbey (1968)
Éditions Gallmeister

Article publié dans Le Crestois du 3 février 2023