Savez-vous planter du quinoa à la mode de la Clastre ?
La Ferme des Combes n'a pas peur d'innover pour faire face aux nouvelles conditions climatiques
Qui ne tente rien n'a rien. C'est un peu la philosophie de Régis Pinet et Corinne Debeaux qui, à la Ferme des Combes, à Piégros-la-Clastre, se sont essayés, en ce début de printemps, à une expérimentation agricole audacieuse. Le mardi 12 avril, les deux tourtereaux s'animaient autour d'une parcelle de deux hectares sur laquelle ils s'en allaient planter des graines... de quinoa biologique. Une première dans la vallée de la Drôme et, jusqu'à preuve du contraire, dans le département, illustrant, si besoin était, la forte capacité d'innovation du monde agricole du territoire*.
« La demande en quinoa a explosé ces dernières années en France », note Régis Pinet. « Et quand on sait qu'une grande part est importée d'Amérique du Sud, c'est quand même très moyen au niveau de l'écologie », poursuit Corinne Debeaux (par ailleurs ancienne journaliste au Crestois). Originaire de la cordillère des Andes, où il est cultivé depuis des temps immémoriaux, le quinoa, consommé en France depuis une cinquantaine d'années, a fait son apparition dans des exploitations françaises au début des années 2010, porté par une forte hausse de sa consommation.
« Il ne contient pas de gluten, est riche en protéines végétales, en fer et en acides aminés », détaille Corinne. Des qualités nutritionnelles qui ont contribué à populariser le quinoa en France : en dix ans, sa consommation a plus que doublé dans l'hexagone, faisant du pays le premier marché européen, avec 10 000 tonnes consommées chaque année. C'est dans l'Anjou que la filière quinoa française a pris son envol, avant, petit à petit, de gagner d'autres départements.
C'est d'ailleurs à Rives-du- Loir-en-Anjou, dans le Maine-et-Loire, que Régis et Corinne sont allés chercher leurs semences de quinoa. « On sème entre huit et dix kilos de graines pour un hectare, précise Régis Pinet. Pour comparer, le blé, c'est deux cents kilos, donc c'est intéressant... Mais ça demande beaucoup de précision dans le semis. » Alors, en ce mardi matin nuageux, du haut de son tracteur équipé d’un combiné de semis mécanique de compétition, Régis a précautionneusement fait le tour de sa parcelle de deux hectares, au pied de la ferme familiale...
ON REGARDE POUSSER LES ÉPIS
Quant à la levée des jeunes pousses, elle dépendra de la météo : « Il faut qu'il pleuve et que la température ne descende pas en dessous des cinq degrés », poursuit l'agriculteur. Côté pluie, Régis a plutôt eu le nez creux, car quelques jours après le semis, de belles averses sont tombées au pied du synclinal ! Après quoi, espère-til, il n'y aura plus qu'a laisser faire la nature...
« Contrairement aux idées reçues, le quinoa n'est pas une plante gourmande en eau, assure l'agriculteur clastrois, qui n’a pas l’intention d’irriguer sa nouvelle culture. En fait, on s'est aperçu qu'en cas de stress hydrique, la plante se mettait en stand-by, avant de monter en graine aux pluies suivantes. » La récolte peut donc se faire « entre début août et fin septembre, selon l'hygrométrie », explique-t-il.
Si la pluie est au rendez-vous, la plante et les graines iront à maturité et la récolte pourra se faire au moyen d'une moissonneuse batteuse. Mais si tel n'était pas la cas, la plante pourrait produire des graines sans atteindre elle-même sa pleine maturité. La récolte se ferait, dans ce cas là, au moyen d'une faucheuse-endaineuse. « En moyenne, précise Régis, le rendement du quinoa est de 1,2 tonne à l’hectare. » Pour dix kilos semés, le chiffre a en effet de quoi donner des idées...
Pour la Ferme des Combes, cette expérimentation est aussi une façon de s'essayer à de nouvelles cultures face à l'évolution inquiétante des conditions climatiques. Un moyen de se diversifier pour développer les capacités de résilience de l'exploitation : mieux vaut toujours avoir plus d'une corde à son arc... Dans la même optique, Régis Pinet s'était lancé dans la culture de la mélisse il y a quelques années de cela, lorsque la plante aromatique commençait à faire parler d'elle. Il s'essaya aussi à la moutarde, avec un peu moins de succès... Mais qui ne tente rien n'a rien et, comme l'écrivait le poète Virgile dans son Énéide, il y a deux mille ans de cela, « la fortune sourit aux audacieux » !
Martin Chouraqui
* Des particuliers s'y sont bien sûr déjà essayés, comme par exemple Roger Poulet, qui avait obtenu une belle récolte en 2021, dans la vallée de Charsac...
Jamais à court d'idées, les tourtereaux des Combes vont ouvrir un magasin de producteurs le lundi 1er mai. Une nouvelle façon de diversifier leur activité et de promouvoir la production locale ! Ouvert les mercredis et vendredis de 16 à 19 heures, on y trouvera les produits transformés de la ferme (conserves, charcuteries...), des huiles essentielles, des légumes et les productions de quinze producteurs des alentours (fromages, vins, farines, miel, chocolat ou... bandes-dessinées !).
Plus d'infos : La Ferme des Combes,1600 route des Combes à Piégros. Tél. 06 27 63 17 03
Article publié dans Le Crestois du vendredi 21 avril 2023.