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L’abbé Pierre et son œuvre

Article paru en Une du Crestois du 13 février 1954, au lendemain de l’appel de l’abbé Pierre.

Nul n’ignore quel magnifique élan de charité et de solidarité ont suscité les émouvants appels de l’abbé Pierre en faveur des Sans Logis et des miséreux.

Mais qui est l’abbé Pierre ?

Pour la majorité des Française, la fiche signalétique de celui qui vient de surgir au premier plan de l’actualité se réduit à deux traits : il a été député, il a fondé la communauté d’Emmaüs. Mais avant cela, quelle fut sa vie ?

Henri Grouès est né le 5 août 1912, à Lyon, cinquième d’une famille de huit enfants, dont le père était un « soyeux » (je suis un gosse de riche, dit l’abbé Pierre). Après avoir fait ses études au collège des Jésuites, il distribue, à 18 ans, son patrimoine à des œuves charitables et entre au couvent des Capucins de Crest. Huit ans plus tard, sa santé précaire l’oblige à renoncer aux rigueurs de la vie monastique. Il part alors au diocèse de Grenoble.

À partir de 1942, il sauve un grand nombre d’étrangers et d’israélites que les Allemands recherchent. Il est fait prisonnier deux fois par la police allemande et deux fois il parviendra à s’évader.

Finalement, il arrive à Alger, où le gouvernement provisoire le charge de plusieurs missions auprès du corps diplomatique.

À Paris, en janvier 1945, il se voit confier l’aumônerie de la Marine, puis des missions en Afrique du Nord.

Avec l’accord de ses supérieurs écclésiastiques, il pose sa candidature aux élections à l’Assemblée constituante sur la liste MRP de Meurthe-et-Moselle. Il est élu député, puis réélu en 1946. Opposé au système des apparentements, il ne se présente pas en 1951.

Pendant plusieurs années, son indemnité parlementaire avait été consacrée à secourir les « hommes frappés par le malheur » qui étaient venus le trouver à Neuilly-Plaisance. Depuis deux ans, l’abbé Pierre s’était mis au service des miséreux et chaque matin, crochet de chiffonnier en main, accompagné de ses Compagnons d’Emmaüs, il fouillait les dépôts d’ordures de Paris, récupérant tout ce qui pouvait être vendu. Son œuvre s’élargit encore : ceux pour qui il vient de bouleverser la France entière ne sont pas des vagabonds. La plupart ont été expulsés de leur logement et n’avaient pas les moyens de vivre en meublé, bien que gagnants honorablement leur vie. Ils vivent dans des terrains vagues, sous des tentes. La semaine dernière, trois bébés sont morts de froid...

L’abbé Pierre s’est attaqué à la plus grande plaie de notre société moderne. Cet homme, inconnu de tous il y a un mois, par son énergie et son courage, a accompli une révolution des consciences.

Article paru dans Le Crestois du 13 février 1954,
publié à nouveau dans notre édition du 2 février 2024

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