La Sauvage (2015)
Les Buveurs de lumière (2017)
La Fille du diable (2022)
Ootlin (2025)

J’ai choisi de vous parler d’une œuvre, plutôt que d’un livre. D’une auteure écossaise, Jenny Fagan, qui déploie un univers fictionnel nourri de sa vie.

C’est une femme qui a traversé la mort (maladie, tentative de suicide) dès son plus jeune âge et qui puise sa force dans la rage et l’écriture. Ses héroïnes cabossées n’ont pas poussé droit, souvent à cause de la société.

Dans La Sauvage, il est question d’assistance publique, de familles d’accueil défaillantes, d’un foyer où tous vos gestes sont scrutés. Mais elles sont aussi debout et fières, comme l’héroïne de ce premier roman, plus raide et forte que mille piliers d’acier trempé. Elles ont des valeurs solides et sont liées aux esprits ancestraux, à une force tellurique qui les aide à tenir. On les trouve dans la marge, vivant dans un parc de caravanes (Les Buveurs de lumière, roman d’anticipation où une ère glaciaire se profile), dans un vieil immeuble abritant ses fantômes (La Fille du diable, où l’on suit la vie des locataires sur plusieurs décennies)…

L’écriture est à la fois brute et limpide. Jenny Fagan accorde autant d’importance à la lumière jouant dans les branches qu’au fait de boire un café entre amis, de jouer un mauvais tour aux flics ou d’aider un voisin. Il n’y a rien d’esthétisant ou de fabriqué dans ses livres. Tout vient du vécu, de la réalité. Elle nous apprend à regarder le monde tel qu’il est, avec sa noirceur et sa beauté, et à l’accepter, tout en restant intransigeante sur ses droits et quelques principes d’humanité : ne pas faire de mal à un enfant ou à un animal, quand une personne vous aide, ne pas l’oublier… Il se dégage de son œuvre une force lumineuse qui, à son tour, nous aide à être debout et fier.

Dans son dernier livre, Ootlin, Jenny Fagan a voulu raconter son enfance massacrée par l’assistance publique et des placements criminels. Sans fard, elle parle de ses conneries d’ado droguée et borderline. Elle dénonce l’aveuglement complaisant des structures et de la plupart des adultes qui ont eu à s’occuper d’elle. Elle le fait pour aider d’autres personnes victimes à porter plainte contre l’État ou les adultes bourreaux. Lisez-les dans l’ordre que vous voulez, vous serez de toute façon bouleversé.

F. Rochette

Des romans publiés aux éditions Métailié

Article publié dans Le Crestois du 5 septembre 2025