Accouchement : malgré les circonstances, inventer !
Dans ce monde où tout a changé, lorsqu’une future maman arrive à la maternité, parfois, le papa n’y est pas le bienvenu. Dans certains hôpitaux, des sages-femmes ont fait pression pour autoriser, malgré tout, sa présence. Mais dans certaines maternités, les mamans sont seules pour donner la vie.
Hugues Reynes est installé à Piégros-la-Clastre pour couler des jours heureux après une carrière de gynécologue-obstétricien. Passionné par son métier, il tient régulièrement des conférences sur le sujet au centre de L’Aube. Il nous a envoyé la tribune ci-dessous :
Accouchement, naissance, rôle du père : malgré les circonstances, inventer !
Le virus n’arrête pas tout. Les femmes continuent d’accoucher et donc les enfants de naître. Mais les pères ?... Arrivée au terme de sa grossesse, au moment où le travail commence, très naturellement la femme se tourne vers son conjoint pour se rassurer, pour se sentir épaulée au moment où elle en a le plus besoin, pour qu’il l’accompagne et la soutienne tout au long du travail. Ce moment si intime, mérite bien d’être partagé à deux.
Mais voilà, il y a quelque chose qu’il ne faut surtout pas partager en ce moment c’est le virus. D'une très grande contagiosité, il est un danger mortel pour beaucoup de personnes. La présence du père en salle d’accouchement est, du coup, régie par des règles strictes, qui déstabilisent la future mère, mais aussi la famille qui voulait découvrir cette nouvelle vie qui surgit. Alors comment faire pour être un peu là tout de même, malgré les circonstances contre lesquelles personne ne peut grand chose ? Respecter les règles mises en place par les équipes médicales est déjà une preuve d’amour envers la mère et l’enfant.
Mais comment l’homme pourrait mieux soutenir sa compagne ? Selon les recherches de l'éthologue Marie-Claire Busnel au CNRS, l’enfant in utero ou nouvellement né, perçoit l’amour que sa mère lui adresse, même en l'absence de paroles. Cela peut paraître surprenant à certains, mais Marie-Claire Busnel a enregistré les réactions de jumeaux dans le ventre de leur mère, mais aussi en dehors, une fois nés. L'enfant à qui s’adresse la mère avec sincérité, avec des mots d’amour vrais, réagit sélectivement. Plus incroyable, l’expérience semble fonctionner même si la mère et les bébés sont séparés dans des pièces différentes. On peut donc parler à son enfant pendant qu’il est encore dans le ventre et quand il est sorti, même si nous sommes à distance. Les ondes traversent bien l’espace. L’onde amoureuse aussi semble-t-il.
Le contact physique direct serait bien préférable mais réfléchissons ensemble. Si ce qui nous manque vraiment, c’est de pouvoir manifester notre amour à ceux que nous aimons, tout particulièrement dans ces moments difficiles, c’est peut-être l’occasion de faire preuve de plus d’habileté. J’ai suffisamment pu observer les salles d’accouchement et la période de l’hospitalisation pour savoir que nous pouvons tous nous améliorer en amour. Les humains ont trois vecteurs pour manifester l’amour : les paroles, les regards et les gestes. Il me paraît clair que nous n’utilisons pas ces trois moyens au maximum quand nous sommes en présence de la personne aimée. Mais que faire quand les circonstances nous tiennent à distance ?
Aujourd’hui une bonne occasion nous est offerte. Au lieu de souffrir de ce manque, ouvrons-nous à l’ingéniosité, trouvons des moyens respectueux de ces règles exceptionnelles, pour devenir plus habile en amour puisque c’est bien de cela dont il s’agit au fond. Si nous voyons peu ceux que nous aimons, si nous n’avons pas tous les moyens habituels pour échanger avec eux, concentrons nos mots et disons l’essentiel.
Concernant l’enfant, il est si fréquent de voir la famille surtout préoccupée par le poids, le sexe ou la ressemblance avec l’un ou l’autre des membres de la famille. Or, on connaît bien mieux aujourd’hui le monde pré-terrestre d’où il vient. D’évidence, avec la rudesse des conditions qu’il doit affronter une fois né, il pourrait être reçu avec un peu plus de respect pour le voyage difficile qu’il vient d’accomplir. Surtout que nous savons maintenant qu’il est sensible à nos pensées, verbalisées ou non, envers lui. Parlons-lui, disons dans notre cœur l’essentiel de ce que nous voudrions lui transmettre.
Envers la future mère, ce n’est pas toujours la présence physique de son homme qui compte le plus pour elle, mais qu’il soit une force de stabilité, de paix, d’encouragement, de confiance à ses côtés. Qu’il la connaisse assez pour savoir ce dont elle a besoin, pour franchir la difficile étape de l’accouchement ou du post-natal immédiat. Dans les cas où il ne pourrait pas être là physiquement, il peut manifester sa présence par les moyens modernes de communication et trouver des mots personnels, intimes, qui touchent le cœur, au lieu de termes passe-partout trop souvent utilisés. L’homme a su trouver les mots pour séduire sa compagne au début de leur histoire d’amour. Il est invité cette fois, à en trouver de nouveaux pour celle qui donne aujourd’hui la vie et pour l’enfant qui passe une frontière entre deux mondes. Cet enfant mérite d’être reçu avec égards. Celle qui lui a donné naissance aussi.
Dr Hugues REYNES
Gynécologue Obstétricien.
Publié le 27 avril 2020