Lettre ouverte à Monsieur Mariton
Tribune d'Irène Libert. « J'ai reçu une gentille lettre de la mairie qui a eu l'heur de m'agacer quelque peu... »
En tant que personne âgée de plus de 65 ans, j'ai reçu une gentille lettre provenant de la mairie pour m'assurer de son soutien durant ces moments difficiles de confinement. À la fin de cette lettre, Monsieur Mariton m’assure de l’expression de toute son amitié ; ce qui a eu l’heur de m’agacer quelque peu. En effet, je venais de prendre connaissance d'un article daté du 22 avril (signé par le maire de Crest, NDLR), paru dans la tribune de Figarovox, intitulé « Gardons-nous d’une lecture utopique de cette crise ».
Que dit cet article qui puisse ainsi susciter mon irritation ? Une réaffirmation de toute la pensée néo libérale la plus radicale. Les écologistes sont des utopistes et l’économique devra reprendre toute sa place et peut être même rattraper le temps perdu. Il y est question de la pensée extrémiste écologiste structurée par les courants collapsologues et décroissants. Il cite Pablo Servigne en retournant une de ses déclarations : « Quand le mal est supposé venir de l'homme, de nos activités, il est difficile d'imaginer une cause plus naturelle. » Monsieur Mariton rappelle la peste noire du XIVe siècle qui a fait disparaître un quart de la population mondiale. À cette époque-là, il n'était pas question de capitalisme mondialisé ; donc, dans sa logique, il n'y a aucun lien à faire entre l'activité humaine et ses conséquences et la pandémie que nous connaissons à l'heure actuelle.
Cette façon de pensée dédouane l'homme de toute responsabilité dans la marche du monde ; pas question de faire un parallèle avec la destruction des espaces naturels pour les espèces sauvages, la proximité toujours plus grande entre le monde animal et l'homme qui favorise la transmission des virus pour lesquelles le corps humain n'a pas encore fabriqué ses armes. Monsieur Mariton continue sa diatribe contre les milieux écologistes intégristes évoquant tour à tour les adversaires de la vaccination, la loi Duflot de 2014 qui limite l'étalement urbain contre l’artificialisation des sols ; l'idée de la "densification urbaine" l’insupporte....
Après la polémique à propos des vaccinations, après avoir vitupéré contre les lois d'urbanisme, il en vient au cœur du problème : la défense de l'économie libérale. Monsieur le maire reconnaît toutefois qu'il y a encore beaucoup à faire pour construire une meilleure résilience ; des améliorations certes à apporter, mais surtout ne rien changer à ce système qui nous a amenés là où nous en sommes actuellement. Monsieur Mariton dévoie la ligne des anti libéraux en laissant penser qu'ils sont opposés à toute forme d'économie. Pour nous, et il doit en être absolument ainsi, l'économie doit être au service de l'humain, de la collectivité et non pas l'asservir ; effectivement, nous disons "non" à cette économie destructrice, prédatrice, irrespectueuse des lois du vivant.
Enfin pour terminer le tour d'horizon, une attaque en règle de l'augmentation des dépenses publiques, suffisantes, mais mal gérées, on connait le discours ! Sa grosse préoccupation tourne autour de la recherche de financements pour les dépenses de santé dans une société en décroissance ! Ce raisonnement montre qu'on s'attaque toujours aux symptômes et non aux causes ; dans une société où on prendrait soin de la terre, des uns et des autres, les problèmes de santé seraient probablement moins prégnants. Donc l'assertion selon laquelle « nulle part il n'y a pas de système de santé robuste sans une économie solide » est basée sur un raisonnement qui peut prêter à discussion.
Cette tribune me fait mesurer à quel point, nos postures sont éloignées et ne peuvent se rejoindre. Monsieur Mariton, vous développez vos certitudes ; je dirais même que vous vous enfermez en elles ; cette crise que nous traversons n’aura-t-elle pas ébréché quelques vérités auxquelles vous vous raccrochez ?
J’ai l’impression au contraire qu’elle vous a affermi dans votre posture que je qualifierais de rigide ; ça me rappelle votre intervention devant les trois Palestiniens que nous avions accueillis l’an dernier ; vous êtes convaincu qu’Israël est dans son bon droit avec sa politique d’apartheid et que ce pays est réellement démocratique !
Les certitudes inébranlables ne seraient- elles pas l’aveu d’une vulnérabilité qu’on ne saurait voir ?
Merci pour vos petits soins aux Anciens, mais vous l’aurez compris, j’attends autre chose pour notre ville !
Irène Libert
Publié le mardi 28 avril