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Qui est le boss ici ?

Tribune du 15 janvier 2021 de Nicolas Sizaret.

Moi, je suis un homme important. Ici, c’est mon territoire. C’est moi le chef, ok ? Alors j’aime prendre toute la place. Ça en agace certains, mais mes collaborateurs le savent : quand je suis là, c’est toujours moi qui parle en dernier, même si je n’ai rien à dire : fake news et rétention d’information font partie intégrante de ma panoplie de gestion des affaires publiques. Je fais tout pour que les médias parlent de moi sans arrêt. L’un d’entre eux est d’ailleurs entièrement à ma botte.

Qui suis-je ?

Moi, j’ai compris comment ça marche, la politique. Je me moque de la vérité et de l’expertise. Pour plaire aux citoyens, ce ne sont pas les idées qui comptent : il faut toucher leurs émotions. La peur est mon alliée la plus fidèle. Je manie les discours anxiogènes avec la plus grande aisance, dépeignant ceux dont les opinions diffèrent de la mienne comme de dangereux extrémistes intégristes : s’ils venaient à me supplanter, je promets le chaos. (Bien sûr, je n’en crois rien !) Pour renforcer le malaise, j’aime à parsemer périodiquement mon verbe de quelques allusions bien anxiogènes aux horreurs du stalinisme. C’est totalement hors sujet, mais peu importe : ça fait peur aux gens, c’est politiquement rentable.

Mais qui suis-je donc ?

Moi je suis un politique pragmatique : le long terme ne m’intéresse pas. Pourquoi investir pour améliorer le quotidien de mes administrés si les résultats ne sont pas visibles avant les prochaines élections ? L’écologie me fait sourire : bien sûr, les autorités publiques m’ont alerté à de nombreuses reprises sur les dégâts récurrents que mon incurie provoque sur l’environnement, mais jamais personne n’a osé me mettre en demeure ; alors je continue ma fuite en avant en fanfaronnant sur mes capacités à ne pas augmenter les impôts pendant que la poussière s’accumule sous le tapis.

Qui suis-je vraiment ? Who am I ?

Sur ma planète, le boss, c’est moi. Je suis le plus puissant du territoire, alors je ne me fatigue pas à essayer de coopérer avec mes égaux qui dirigent d’autres entités que la mienne : ils n’ont qu’à s’aligner, m’obéir et m’écouter parler. D’ailleurs, je n’hésite pas à utiliser l’argent public pour faire ma propre promotion. C’est peut-être un peu borderline, mais avouez que c’est tentant. Qu’ils viennent donc me chercher, ceux qui m’accusent de manquer de fair play !

Mais quoi ? Voilà que certains se sont permis de remettre en cause ma réélection ? C’est inadmissible, c’est un crime de lèse-majesté ! Je me battrai jusqu’au bout, vous m’entendez ? J’ai déposé une protestation auprès des plus hautes instances juridiques du pays. La Haute Cour me donnera certainement raison contre ces blancs-becs qui veulent bousculer l’ordre établi. J’ai des appuis. C’est moi le boss, ici, vous m’entendez ? MOI.

Voulez-vous savoir qui je suis ? Je suis Donald Trump, et les sages électeurs américains viennent de m’envoyer à la retraite.

 Nicolas Sizaret

Tribune publiée dans Le Crestois du 15 janvier 2021

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