Costards cravates
Tribune du 2 décembre 2022 de Franck Daumas.
En 1973 vivaient deux jeunes dans le vieux Crest, rue Carcavel pout être précis. En ce temps-là, le lavoir coulait d’une belle source et les femmes lavaient leur linge au bassin, les maisons étaient ouvertes et devant chacune d’elle, les anciens, souvent assis sur leur chaise, regardaient le temps passer.
Mais revenons à notre histoire. Mon ami et moi étions soudés comme les doigts de la main. Le problème avec Alain était qu’il répétait toutes les dix minutes « costard cravate, costard cravate… plus tard, je serai en costard cravate ! » C’était obsessionnel pour lui et je ne comprenais pas cette lubie. Nos parents étaient des ouvriers, voulait-il se démarquer de sa classe sociale à l’avenir ? Mais bon... un ami reste un ami malgré ses propos bizarres.
Les années ont passé et nous ne nous sommes jamais revus. La vie quoi ! Je l’avais presque oublié, un demi siècle que je n’ avais pas vu sa tête... Mais en regardant la télévision, devant une séance de l’assemblée nationale, j’ai subitement repensé à mon copain de quartier et à sa phrase. Tous les députés avaient de jolis costumes et de belles cravates, rien à dire, l’élégance était là. Je tendais l’oreille à leurs propos : retraite, smic, allocations handicapés, pouvoir d’achat etc. La réflexion suivante me vint à l’esprit : pourquoi ce sont toujours des individus, si éloignés du peuple et souvent nés avec une cuillère d’argent ou d’or dans la bouche, qui décident de ces mesures !!!
De quoi avaient-ils peur pour ne pas faire avancer le peuple ? Peut-être de voir deux handicapés se marier et ensuite faire de l’évasion fiscale avec leurs deux revenus ? Ou voir des ouvriers, avec un Smic à 1 500 euros qui posséderaient des yachts plus beaux que les leurs ? Ou pire ! Des petits retraités qui mangeraient aussi bien qu’à l’Assemblée nationale !!
Alors oui, les sans-dents doivent être traités comme il se doit, toujours dans le mépris de nos élites politiques. Qu’il est dommage d’avoir une tête bien remplie et un coeur si froid et aucun bon sens. Eh oui, sans la base, vous ne seriez pas grand-chose et ça, vous l’avez perdu de vue !
Merci Alain, grâce à ta phrase naïve, j’ai pu écrire ces quelques lignes mais rassure-toi, 1% des « prolos » peuvent accéder aux écoles d’élites Liberté, Égalité, Fraternité… et vive la France !
PS : Bienheureux les « prolos », ils supportent encore cette monarchie déguisée sur leur dos.
Franck Daumas
Tribune publiée dans Le Crestois du 2 décembre 2022