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Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Tribune de Claudine Capillon, militante Insoumise.

« L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu » (François de La Rochefoucauld). Cette citation reflète votre comportement. En effet, après le plateau des Glières et la maison d’Izieu, vous vous êtes rendu ce 16 avril à Vassieux-en-Vercors, dans la Drôme, pour rendre hommage au maquis du Vercors, marqué par un massacre odieux de civils en juillet 1944, pendant la Seconde Guerre mondiale.

Pour redorer votre blason et essayer de faire oublier les effets dévastateurs de votre politique mortifère, vous vous lancez dans un marathon d’hommages à « l’esprit de résistance français… ». Quelle outrecuidance d’avoir récupéré le sigle CNR pour le transformer en Conseil national de la « refondation » alors que vous n’avez de cesse de détruire une à une toutes les conquêtes sociales arrachées au patronat par le vrai CNR, à savoir le Conseil national de la Résistance… Mais qui êtes-vous et qu’avez-vous fait pour jauger et valoriser ainsi « l’esprit de résistance français » ?

Alors, certes, pour brouiller un peu plus les cartes, vous avez fait entrer Missak et Mélinée Manouchian au Panthéon (deux de plus sur votre carte de visite !). Ces deux grands résistants communistes dont nous sommes légitimement fiers… Mais cela suffira-t-il à faire oublier (vous qui vantiez les mérites de Pétain, « grand soldat en 14-18 » ou de Maurras « grand écrivain français ») vos attaques majeures contre tout ce que les résistants ont construit après avoir débarrassé le pays de l’occupant ?

Un petit rappel historique pour vous apprendre, et vous faire toucher du doigt ce qu’était vraiment « l’esprit de résistance » français car il semble que vous en ayez bien besoin. Le Conseil national de la Résistance qui ouvrait les Jours heureux, avait un but : « mettre définitivement l’homme à l’abri du besoin, en finir avec les angoisses du lendemain », comme le disait alors Ambroise Croizat. Ces mots esquissent les grandes réformes à venir qui fondent une République de citoyens où l’homme est acteur de sa propre vie. On ne résiste pas à la relecture d’un programme où s’affiche la volonté de rompre avec l’ancien monde : « Instaurer une véritable démocratie sociale impliquant l’éviction des féodalités économiques et financières de la direction de l’économie… Droit d’accès aux fonctions de direction et d’administration pour les ouvriers et leur participation à la direction de l’économie… Retour à la Nation des grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des compagnies d’assurances et des grandes banques… Droit au travail… Presse libre et indépendante… »

Ce programme inspirera toutes les grandes réformes des gouvernements de la Libération sous la maîtrise d’œuvre des grands applicateurs tels les ministres ouvriers Ambroise Croizat et Marcel Paul : nationalisations, fonction publique, sécurité sociale, comités d’entreprises, retraites, statut des mineurs, des électriciens et gaziers…

Aujourd’hui, dans la septième puissance économique mondiale, toutes ces conquêtes sociales arrachées au patronat dans une France ruinée par six années de Guerre, vous et votre gouvernement, vous les foulez au pied dans le but essentiel de faire « ruisseler » encore davantage de richesses sur ceux qui en ont déjà trop. Et vous voudriez nous donner des leçons d’histoire et de « patriotisme » !

Mais je tiens à vous faire connaître ce qu’étaient les vrais patriotes non pas en paroles, mais dans leurs actes.

Mon grand-père a été arrêté par la Gestapo (la police politique de l’État nazi) et torturé plusieurs jours. Après avoir été libéré par ses camarades, il a écrit une lettre racontant sa détention et les tortures subies. Une phrase de cette lettre restera pour toujours dans ma mémoire : « Aucun renseignement ne sort de ma bouche, il est de mon devoir de soldat sans uniforme de ne pas trahir mes camarades pour la continuation de la lutte. » Voilà monsieur le Président ce qu’est un « patriote » que pourtant certains à l’époque qualifiaient de terroristes, comme vous le faites à présent envers tous ceux qui s’opposent à votre politique mortifère.

Comme lui, des milliers d’ouvriers, paysans, cheminots, artisans, se sont battus pour la liberté. Pendant ce temps, la bourgeoisie (dont vous êtes issu) se vautrait dans la collaboration et dénonçait à la police les « héros ». C’est pour cette raison que depuis 1946, notre pays est devenu une République « sociale », avec ses droits sociaux : sécurité sociale, retraite par répartition, assurance chômage, aide au logement qu’aujourd’hui vous foulez au pied.

Monsieur le Président, vous n’incarnez pas la France et ces « héros », vous incarnez et incarnerez pour toujours cette bourgeoisie revancharde et méprisante dont vous venez… Honte à vous ! Il est de notre devoir, pour la mémoire de tous ceux qui ont lutté jusqu’au bout, certains au péril de leur vie, de résister à votre politique de destruction sociale, de nous opposer de toutes nos forces à cette casse sociale généralisée et à votre politique ignorant toutes les expressions d’opposition populaires.

Cette lettre est inspirée d’Alain Martin et de son grand-père André Martin.

Claudine Chapillon

Tribune publiée dans Le Crestois du 26 avril 2024

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