Un chef d'œuvre méconnu
Bien avant leur succès planétaire, les Dexy's Midnight Runners ont sorti, en 1980, un premier album soul époustouflant.
Que reste-t-il aujourd’hui des Dexys’s Midnight Runners, groupe anglais dirigé par le chanteur Kevin Rowland ? Juste un tube vaguement celtique qui passe encore de temps en temps en radio et fait le bonheur des compilations “années 80”. Ce tube, c’est “Come on Eileen”, extrait de leur deuxième album.
Mais la postérité est injuste et impitoyable, car “Searching for the young soul rebels”, leur tout premier album, sorti en 1980, gorgé de cuivres, tourné vers la soul des années 60 et inspiré par le son Stax, est le véritable chef-d’œuvre du groupe.
Situons la période : nous sommes au tout début des années 80. Le punk n’est plus qu’un souvenir et la décennie se prépare à entrer dans l’âge de glace de la New Wave, avec des groupes comme Banshees, Joy Division ou The Cure. Cependant, en Angleterre, quelques “mauvais garçons”, principalement issus de la classe ouvrière, font de la résistance et tentent de réchauffer l’atmosphère en mélangeant rock, reggae et ska. Ces groupes s’appellent Madness, Specials ou The Selecter.
Les Dexys Midnight Runners, eux, vont s’attaquer à la soul en débarquant avec un disque véritablement surprenant pour l’époque. Le leader, Kevin Rowland, après un passage vers le punk en 1977, mais finalement déçu par le rock, cherche un nouveau souffle qu’il va trouver dans la soul.
L’album s’ouvre avec le son d’une radio à la recherche de la bonne fréquence, zappant entre Deep Purple, Sex Pistols et Specials. Puis une voix s’écrie : « For God sake, burn it down » (« Pour l’amour de Dieu, brûlez moi ça »). Et le premier morceau démarre soudain dans une explosion de cuivres triomphants.
Stupéfaction de toute la presse musicale de l’époque : « Quoi ? Ces prolos des bas quartiers osent, en 1980, sortir un disque de soul ? Ils sont fous, ça ne marchera jamais ! » Et pourtant, les Dexy’s vont parvenir, avec cet album, a ressusciter la ferveur et l’authenticité qui ont déserté le rock en ce début des années 80. Et ils vont signer un véritable chef-d’œuvre, non reconnu à sa juste valeur à l’époque, mais devenu aujourd’hui culte par son intemporalité.
Tous les morceaux de cet album dégagent une énergie furieuse, comme si le gang de Kevin Rowland voulait en découdre avec la terre entière, et principalement avec l’industrie musicale de l’époque. De la soul entraînante et énergique, des hymnes imparables où perce aussi parfois une sensibilité pop ou blues, avec la voix aigüe et affectée de Kevin Rowland, plus proche des intonations d’un Robert Smith que celles d’Otis Redding.
Deux ans plus tard, pour son deuxième album, le groupe changera radicalement de direction en se tournant vers la musique celtique. Il acquerra enfin la reconnaissance internationale avec le mega tube “Come on Eileen”. Mais ne vous y trompez pas, si vous ne devez écouter qu’un seul disque des Dexy’s Midnight Runners, c’est bien le premier album qu’il vous faut acquérir d’urgence. Une pure merveille !
Philippe Multeau
Searching for the young soul rebels (1980)
Disponible en vinyle et CD
Article paru dans Le Crestois du 6 septembre 2019 dans le cahier Mag'