Auri "Auri" (2018)
Point ici de métal et de guitares saturées mais un folk rock cinématographique parfaitement composé et interprété.
Si le nom d'Auti ne vous dit probablement rien, celui de Tuomas Holopainen, en revanche, peut vous être plus familier. En effet, il est le fondateur, claviériste et principal compositeur de Nightwish, le plus grand groupe de metal symphonique au monde. Son groupe principal étant en année sabbatique à ce moment là, Tuomas a décidé de profiter de son temps libre pour.... sortir un album ! Chassez le naturel....
Pour ce nouveau projet, le talentueux claviériste s'est entouré de sa compagne à la ville Johanna Kurkela (chant) et de Troy Donockley (multi-instrumentiste anglais).
Musicalement, le groupe a décidé de ne rien s'interdire et de proposer la musique qui lui venait spontanément, loin des considérations metal symphoniques et grandiloquentes de Nightwish.
On a ici affaire à un folk / rock de qualité (le premier single efficace "Night 13"), teinté de sonorités médiévales ("Underthing solstice", avec ses choeurs d’église et son orgue majestueux), faisant la part belle aux mélodies ("The space between", qui ouvre l'album tambour battant, le très pop "Aphrodite rising",...) et n'évoquant que très rarement le metal (on pense toutefois à The Gathering à l'écoute de "See", très ambiancé).
Les instruments traditionnels sont à l'honneur (uilleann pipes, violon, flûte), le chant de Johanna, très doux et mélodique, est bien mis en avant, et la production, truffée d'arrangements particulièrement soignés, est somptueuse.
Ainsi, un peu à l'instar d'un Richie Blackmore parti fonder Blackmore's Night pour son épouse (officiant non plus dans le hard rock mais dans un folk rock mediéval), Tuomas a choisi de donner un écrin folk à sa compagne (bien que dans le cas présent, la composition et l'écriture soient collectifs).
Le résultat est globalement de très bonne qualité, mais surtout respire la sincérité et la liberté artistique. Liberté artistique très certainement salvatrice lorsque l'on est à la tête du plus grand groupe de metal symphonique du monde et que les attentes des fans sont démesurées.
Et si le talent de Tuomas (probablement un des plus fins mélodistes du metal) et de ses compères éclabousse de sa classe chaque morceau du disque, certains se révèlent particulièrement réussis.
Citons "The space between", qui offre une très belle entrée en matière, "Aphrodite rising" qu'on croirait chanté par une nymphe dans le Seigneur des anneaux, ou encore "Them thar chanterelles" (que Tuomas a composée à partir d'une mélopée que sa compagne fredonnait en allant aux champignons étant enfant), qu'on croirait sortie du Alice au pays des merveilles de Tim Burton. Mais la pépite de l'album, qui justifie à elle seule son achat, est bel et bien la sublime ballade "Desert flower", d'une sensibilité et d'une mélancolie rares.
Vous l'aurez compris, point ici de metal et de guitares saturées mais un folk rock cinématographique parfaitement composé, interprété et produit, par un trio d'artistes affirmant ici leur plaisir et leur liberté artistique avec brio.
Olivier Chapelotte
Publié le 29 avril 2020