Molly Lewis - On the lips (2024)
La Micheline Dax anglophone réhabilite l’art du sifflement.
Découverte en France lors des Trans Musicales de Rennes en 2021, Molly Lewis n’en finit pas de fouler les scènes. On se l’arrache. Elle collabore avec Marck Ronson, Dr Dre, KarenO des Yeah yeah Yeahs ou encore Mac de Marco, et ambiance les podiums des défilés haute couture de Chanel, Gucci et Hermès et compose pour la bande originale de Barbie.
Originaire d’Australie, Molly Lewis nait et grandit entre la côte est de l’île continent, dans une petite ville de hippies nommée Mullumbimby, et Los Angeles, en Californie. Sa mère, pianiste, et son père réalisateur de films documentaires, l’encouragent dès son plus jeune âge dans sa volonté de siffler. Cet exercice qu’elle peine à réaliser au départ, devient, à force d’acharnement et grâce à leur soutien, une obsession. Petite, elle découvre le fascinant documentaire Pucker Up de Kate Davis et David Heilbroner consacré au fameux concours américain de sifflement de Louisbourg. C’est une révélation, elle décide d’y participer... et le gagne quelques années plus tard. Tombée en pâmoison devant ce micro-genre, Molly Lewis excelle dans l’art de siffler et en fait des albums. Là est toute sa singularité. Par ailleurs, Molly Lewis compose et joue de la guitare, le reste est confié à de talentueux musiciens qu’elle côtoie à Los Angeles.
Dans la cité des Anges, il n’y a guère d’occasions de croiser les gens dans la rue pour leur parler. Aussi, pour pallier cette triste réalité que partagent bien des mégalopoles, elle sort beaucoup et participe un soir à un micro ouvert au Kibitz Room, un minuscule bar de fin de soirée situé au sein de l’épicerie fine Canter’s. Le succès que rencontre sa prestation l’amène à participer à d’autres performances, jusqu’à lui donner l’idée de créer les Café Molly, des soirées lounge où elle se produit et invite d’autres à l’accompagner, comme par exemple le poète et ancien ami de beuverie de Charles Bukowski, Kenneth « Sonny » Donato, qui déclame un poème en introduction de chacun des Café Molly au Kibitz Room.
Rapidement, elle attire l’attention du label indépendant Jagjaguwar. Il sort ses premiers EP, d’abord The forgotten edge puis Mirage.
On the lips, son premier véritable album, c’est Thomas Brenneck, guitariste de l’album Back to black de Amy Winehouse, qui le produit et l’enregistre à Pasadena, LE quartier cool de Los Angeles. Molly Lewis sait s’entourer : on croise sur On The lips Nick Hakim et son piano bossa nova, accompagné par le guitariste brésilien Rogê, ou encore le pianiste de jazz expérimental Marco Benevento et Leon Michels, de El Michels Affair, réunis sous le nom du Menahan Street Band.
Même si elle n’en a pas l’air, cette délicate musique de cocktail est née d’une véritable prouesse idiosyncrasique. Le tout petit monde des siffleurs et siffleuses repose pour beaucoup, si ce n’est sur l’imitation du chant des oiseaux, sur l’interprétation sifflée de grands classiques de la musique populaire. Apparue dans les salons de danse de Mexico, la musique d’ambiance classique à laquelle fait honneur Molly Lewis, dans son album, évoque les clubs de Jazz de Los Angeles tout en convoquant les bandes son du cinéma italien et les étreintes prolongées entre amants. Entre les lèvres de Molly Lewis, ce genre, bien que désuet, renaît de ses cendres. Imaginez-vous assis sur une banquette en velours frappé vert sombre, installé sous de beaux luminaires à franges satinées dignes des clubs de jazz les plus prisés, sirotant un cocktail glacé à base de Vermouth, jouez On the lips de Molly Lewis, détendez-vous... et la magie opère.
La Scandaleuse
ON THE LIPS (2024)
Molly Lewis
Article publié dans Le Crestois du 5 juillet 2024