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Robert Serre, le mineur de fond

Jacques Mouriquand rend hommage au travail de fourmi de l’historien grânois.

Le Crestois nous a annoncé dans sa dernière édition le retrait de Robert Serre de sa chronique historique si fameuse. Il est utile d’apporter une précision.

Robert Serre récuse élégamment dans les propos tenus à Martin Chouraqui le titre d’historien. Il serait plus juste de dire que Robert Serre est un mineur de fond. Il y a, en effet, dans le monde de ceux qui cherchent sur l’histoire, deux catégories de personnages : ceux qui dégagent de larges perspectives et ceux qui travaillent en profondeur, prennent des monceaux de notes, recopient, photographient et, au total, constituent des bases de données infiniment précieuses.

J’ ai un souvenir personnel qui montre à quel point, s’agissant de Robert Serre, c’est bien à ce genre de travail qu’il s’est adonné. Il advint, lorsque j’étais rédacteur en chef du Crestois, que je sois contacté par une lectrice qui avait rencontré, lors d’un échange professionnel, une consoeur espagnole. Celle-ci était à la recherche de tout renseignement concernant un dénommé Epifano Camprubi dont elle savait seulement qu’il avait été à Crest pendant la guerre. Ayant le fort soupçon qu’il pouvait s’agir d’un des hôtes bien involontaires du camp des travailleurs étrangers, j’ai transmis la demande à Robert Serre. Dans les heures qui ont suivi, nous est parvenue la fiche existant sur cette personne dans les archives du camp. Il se peut bien que, dans les décennies qui viennent d’autres auteurs écrivent des choses fort intéressantes sur le Camp des travailleurs étrangers ou sur la rebellion de 1851 après le coup d’état de Louis Napoléon, mais on ne saurait imaginer que ces futurs auteurs se dispensent de passer d’abord par les travaux de Robert Serre.

Il n’est pas rare que des historiens de la première catégorie, ceux des larges avenues, oublient quelque peu leur dette à ces mineurs de fond. J’ai le vague souvenir que lorsqu’Emmanuel Le Roy Ladurie a publié son Carnaval de Romans en 1979, ouvrage par ailleurs remarquable, on avait entendu quelques protestations à ce propos. Il faut donc dire ici avec netteté que les travaux de Robert Serre auront été un indispensable point de départ. Et la question se pose, de savoir si, dans le temps un peu futile que nous vivons, il se trouvera des tempéraments prêts à investir des heures et des jours, à noircir des carnets sur des aspects très spécifiques de l’histoire locale. J’en doute un peu.

Jacques Mouriquand

Article publié dans Le Crestois du 15 avril 2022

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