Un projet d'antenne relais qui inquiète
Les habitants de Suze se mobilisent contre un projet qui risque, selon eux, de défigurer le paysage. La mairie, elle aussi, se prépare à mener la bataille.
L’antenne pourrait être installée sur le monticule, juste au-dessus de la route
Un pylône de 39 mètres de haut, équipé d’antennes de téléphonie mobile, viendra-t-il bientôt se planter entre le vieux village de Suze et le hameau des Jaux, dans les hauteurs de la vallée de la Gervanne ? Pour de nombreux Suzois, ce scénario catastrophe est tout simplement inacceptable.
Constitués en collectif, ces derniers ont la ferme intention de tout faire pour mettre le projet en échec : « Les riverains et, plus largement, de nombreux habitants de Suze, très attachés à ce site exceptionnel du vieux village, accroché à la montagne du Saint-Pancrace (synclinal perché), refusent catégoriquement une telle implantation », ont-ils écrit dans une tribune publiée dans Le Crestois du vendredi 6 mai.
Mais de quoi précisément s’inquiètent-ils ? Le 14 avril dernier, un dossier brûlant est arrivé sur le bureau de la maire de la commune, Bérangère Driay. Une « déclaration préalable de travaux » pour un projet d’implantation d’un pylône de téléphonie mobile de 36 mètres de hauteur, surmonté de 3 mètres d’antenne. Soit 39 mètres au total. Le pylône serait implanté au pied du vieux village, à quelque 300 mètres des habitations les plus proches. La déclaration en question a été déposée par la branche française du groupe ATC (American tower corporation), entreprise multinationale numéro un du marché mondial des « infrastructures sans fil ».
« EMPLACEMENT STRATÉGIQUE »
Passée la stupéfaction, les élus municipaux ont partagé l’information avec la population, qui n’a pas tardé à se réunir pour organiser la mobilisation. Car s’il aboutissait, ce projet viendrait, selon eux, défigurer le paysage et enlaidir un site très fréquenté par les randonneurs en saison touristique, le vieux Suze faisant parti des soixante-dix « villages perchés » de la Drôme.
Dès le vendredi 6 mai, une réunion s’est tenue sous le préau de la mairie, avec près de 80 participants. Autour d’un objectif : « Le collectif “Pas de pylône à Suze !“ se mobilisera pour que ce projet ne soit jamais réalisé ». Les promoteurs sont avertis...
Implantée sur un petit monticule, à deux pas du parking des randonneurs, l’antenne bénéficierait d’un remarquable point de vue. Dominant la vallée de la Drôme, elle ferait face, à quelques kilomètres plus au sud, aux antennes qui surmontent la colline de Puyjovent, à Piégros-la-Clastre, et, un peu plus loin, à celle de Rimonet- Savel. Un petit tour vers l’Ouest et c’est l’antenne de la Raye qui apparaîtrait non loin.
Un « emplacement stratégique », estiment les riverains, qui leur laisse à penser que l’antenne suzoise pourrait être un futur « relai » entre ces différentes infrastructures, dans le cadre du renforcement de la 4G et du déploiement de la 5G. D’autant que la commune n’est pas en zone blanche et ne souffre pas de problème de connexion au réseau.
« La déclaration préalable de travaux ne précise pas la nature des antennes qui seront installées sur le pylône », a indiqué Bérangère Driay le vendredi 13 mai, à l’occasion d’une réunion du collectif Pas de pylône à Suze. Sollicitée par Le Crestois à plusieurs reprises, ATC France n’a pas répondu à nos questions.
La maire de Suze a par ailleurs rendu compte, à l’occasion de cette réunion, des dernières nouvelles du dossier. « Nous avons demandé en début de semaine des pièces complémentaires à ATC, puisque le dossier était incomplet. Il manque notamment l’emplacement exact du pylône », a-t-elle précisé.
La municipalité devrait recevoir dans les prochains jours les documents demandés. La maire pourra alors, dans un délai d’un mois, accepter ou rejeter la déclaration préalable de travaux. Réunis en conseil municipal le 11 mai dernier, les élus municipaux « seraient unanimes pour dire que le projet va à l’encontre de l’esprit du plan local d’urbanisme (PLU) », a ajouté Mme Driay,
« Le PLU de Suze a été pensé pour protéger notre paysage, nous a-t-elle précisé. Et cette antenne se trouverait justement au milieu de ce qu’on appelle le cône de préservation du paysage. » Ce « cône » recouvre en effet le paysage qui s’étire du bas de Suze jusqu’aux crêtes de Saint-Pancrace, incluant le hameau des Jaux et son église, le vignoble qui l’entoure, le vieux village et les ruines du château qui trône à son sommet.
BATAILLE D’AVOCATS
Il y a donc fort à parier que la municipalité s’opposera aux travaux. Si tel était le cas, ATC France pourra contester cette décision, dans un premier temps via un « recours grâcieux », auquel la mairie devra répondre - ou pas - dans un délai de deux mois. Dans un second temps, le promoteur (ou la préfecture, en charge du contrôle de la légalité des décisions des collectivités) pourra engager une procédure devant le tribunal administratif, s’il estimait la décision de la commune de Suze infondée en droit.
Une procédure qui pourrait durer deux ans avant d’être jugée. Sans compter un éventuel appel, qui pourrait mener la mairie et ATC France jusqu’au Conseil d’État, la juridiction administrative suprême. « Une bataille d’avocats s’annonce », a prévenu Bérangère Briay lors de la réunion du 13 mai. Mais dans cette hypothèse, ATC disposerait de moyens financiers autrement plus conséquents que le petit village de Suze...
Mais pas de quoi effrayer les habitants, qui sont en passe de transformer leur collectif en association en bonne et due forme. L’assemblée constitutive aura d’ailleurs lieu le vendredi 10 juin. Ils préparent déjà une fête de soutien et de sensibilisation, qui aura lieu à Suze le 10 septembre prochain. L’occasion d’élargir la mobilisation car, pour une opposante, le projet d’ATC ne concerne pas seulement les Suzois : « Notre bataille est exemplaire de quelque chose qui va bientôt se jouer partout dans le pays. »
Martin Chouraqui
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