Les actus à découvrir dans le journal de la Vallée

                

Les dés sont jetés !

L'offre de reprise du journal proposée par la Scop a été présentée au tribunal de commerce.

L’audience est levée ! Le mercredi 7 juin, par une belle matinée ensoleillée, nous nous sommes rendus au tribunal de commerce de Romans-sur-Isère pour défendre le projet de reprise du journal Le Crestois sous la forme d’une Société coopérative de production (Scop). Une juridiction installée au coeur d’une ville qui fut, jadis, un fleuron de l’industrie et du commerce français. Un tribunal qui doit maintenant décider du sort d’une entreprise qui fut aussi, jadis, un fleuron crestois. Un journal et une imprimerie. Une institution fondée il y a 123 ans, en mai 1900.

C’est un sentiment étrange, mêlé d’espoir et de tristesse, qui étreint, depuis des semaines, les porteurs et porteuses du projet de reprise que sont Perrine Quénu, Laure-Mériem Rouvier, Clément Chassot et Martin Chouraqui. Espoir d’abord, devant le sursaut citoyen qui s’est emparé des habitants du bassin crestois, de la vallée de la Drôme à la plaine de Valence, de la Valdaine au Diois en passant par les recoins isolés de ce petit pays qui nous est si cher... La vague de soutien financier et moral dont nous avons bénéficié a démontré l’importance de ce journal, notre patrimoine commun, et le désir partagé de continuer à en écrire les pages. Merci, d’abord, à la famille Bourde, qui a su faire perdurer l’entreprise jusqu’à ce fatidique vendredi 9 juin 2023, contre vents et marée. Merci aux Amis du Crestois, merci à nos correspondantes et correspondants, merci à vous, qui nous donnez la force de ne pas nous résigner.

Tristesse, aussi, quand on pense à l’imprimerie du Crestois, fondée en 1902, qui a donné au journal toute sa puissance, toute sa portée (lire l’historique). On dit que, quand un ancien s’éteint, c’est une bibliothèque qui disparaît. Que dire, alors, quand c’est une imprimerie qui rend l’âme ? C’est le symbole terrible de la crise que traverse notre continent, notre pays, et plus particulièrement ses territoires ruraux. « Réindustrialisation ! », pérore-t-on à longueur de journée sur les plateaux rutilants des grandes télévisions parisiennes... quand, en réalité, c’est tout l’inverse qui nous frappe, nous autres, les petits.

Dans le cas présent, c’est l’outil roi, le symbole même du savoir dans sa dimension universelle, qui est brisé par une «modernité» dont on peut, pour ce qui nous concerne, interroger le sens moral. L’imprimerie, incarnation manufacturée de l’esprit des Lumières qui, en petits caractères noirs pressés sur la blancheur d’une page, a fait reculer l’obscurantisme et l’ignorance depuis le XVe siècle. Il n’y a pas de mot pour dire la perte que cela représente pour notre territoire. Un savoir-faire qui se perd. Un outil collectif qui disparaît. Des livres qui ne paraîtront plus. Et un journal qui se retrouve orphelin.

INTERRUPTION DE PUBLICATION

Si le tribunal venait à accepter notre offre, Le Crestois ne pourrait bien sûr pas se passer d’un imprimeur. Nous avons des pistes très sérieuses mais il vous faut déjà vous préparer, amis lecteurs, amies lectrices, à le retrouver, plus tard, sous un autre format. Fini, le papier blanc et épais que vous tenez entre les mains. Terminé, aussi, les photographies aux couleurs si intenses... Bien sûr, nous avons toute confiance en notre futur imprimeur pour fabriquer un bel objet, attrayant et agréable à lire. Aussi regrettable que cela puisse être, gardons en mémoire le conseil que prodiguent parfois les journalistes expérimentés à leurs jeunes confrères et consoeurs : « N’oubliez pas qu’à la fin, votre article servira à emballer le poisson !» « À allumer un feu », disent d’autres. Ou « à laver les vitres »...

Avec le nouveau Crestois, ce pourrait être enfin possible ! La séparation entre l’imprimerie et le journal pourrait être comparée, comme le dit souvent Jean-Baptiste Bourde, à l’amputation d’un membre malade qui viserait à sauver le patient. Une telle opération nécessitera un peu de rééducation. Nous serons donc contraints, si le tribunal accepte notre offre, à interrompre la publication du Crestois pour une durée qu’on espère la plus courte possible. Nous sommes sur le pied de guerre, déterminés et prêts à reprendre l’activité, mais aurons besoin de ce temps indispensable pour nous réorganiser, pour réapprendre à marcher.

Chers abonnés, si nous obtenons gain de cause, nous prolongerons votre abonnement aussi longtemps que nous aurons dû l’interrompre. Cependant, nous n’y sommes pas encore et il serait bien imprudent de vendre la peau de l’ours... Le tribunal rendra sa décision ce mardi 13 juin. Nous vous la communiquerons par tous les moyens à notre disposition. Jusqu’à preuve du contraire, vous tenez donc le dernier Crestois entre vos mains. Mais après tout, n’était-ce pas la même chose la semaine passée ?

La Scop du Crestois

Article publié dans Le Crestois du 9 juin 2023

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